Résumé de l'affaire

Appel d'un jugement de la Cour supérieure ayant rejeté une requête pour autorisation d'exercer un recours collectif. Rejeté, avec dissidence.
Le requérant désire être autorisé à exercer un recours collectif contre l'intimée Whirlpool, fabricante de machines à laver. La juge de première instance a conclu qu'il n'avait pas un intérêt personnel dans le recours proposé puisque sa réclamation personnelle était prescrite. La juge a aussi décidé qu'il ne possédait pas les qualifications requises pour assurer une représentation adéquate des membres du groupe.

Décision

Mme la juge en chef Duval Hesler, à l'opinion de laquelle souscrit le juge Vauclair: Le juge de première instance jouit d'un pouvoir discrétionnaire important au stade de l'autorisation d'un recours collectif. Dans sa fonction de filtrage, il doit écarter les demandes frivoles, ce qui favorise une saine administration de la justice. La Cour d'appel n'interviendra donc que si le juge a erré dans son interprétation des allégations ou des éléments de preuve eu égard aux critères énoncés à l'article 1003 du Code de procédure civile ou s'il a commis une erreur de droit (Vivendi Canada Inc. c. Dell'Aniello (C.S. Can., 2014-01-16), 2014 CSC 1, SOQUIJ AZ-51034241, 2014EXP-244, J.E. 2014-124, [2014] 1 R.C.S. 3). En l'espèce, la juge a correctement décrit le fardeau incombant au requérant, qui est un fardeau de démonstration. En outre, aux termes des allégations de la requête et du témoignage de ce dernier, elle s'est bien dirigée en concluant que la première manifestation importante du préjudice est survenue en 2005, soit lorsque l'odeur de moisi provenant de la machine à laver est devenue continue et répétitive. Étant donné que son recours personnel était prescrit, qu'il a manqué de transparence lors de son témoignage et qu'il n'a pris aucune initiative pour faire avancer le recours, l'appelant ne pouvait agir à titre de représentant des membres du groupe.

M. le juge Vézina, dissident: La question portant sur le point de départ de la prescription est délicate puisque, d'une part, le préjudice s'est manifesté de façon récurrente et, d'autre part, l'intimée, à qui l'appelant s'est adressé en 2005, l'a assuré que le problème résultait de sa faute dans l'utilisation ou l'entretien de l'appareil. Or, il revient au juge du fond de décider si le problème récurrent survenu en 2005 peut être considéré comme s'étant «manifesté graduellement» (art. 2926 du Code civil du Québec) et d'analyser le comportement de l'intimé à l'égard de l'appelant pour déterminer le point de départ de la prescription. La juge a donc déclaré prématurément la prescription de son recours personnel. D'autre part, l'essentiel pour les membres du groupe est que leur action soit bien présentée et plaidée. Or, l'ensemble des documents réunis à son soutien démontrent un travail de professionnel. Si les avocats prennent trop de place dans les recours collectifs, il s'agit là d'un problème de politique générale qui ne peut être pris en considération. Dans ces circonstances, la juge a erré en concluant que l'appelant ne peut assurer une représentation adéquate des membres du groupe.


Dernière modification : le 9 août 2022 à 17 h 48 min.