Résumé de l'affaire

Appel d'un jugement de la Cour supérieure qui, siégeant sur appel de novo, a déclaré l'appelante coupable d'une infraction à l'article 222 c) de la Loi sur la protection du consommateur. Accueilli avec dissidence.

Un enquêteur de l'Office de la protection du consommateur s'est présenté chez l'appelante pour faire réparer un téléviseur. L'appareil avait été préalablement vérifié par un ingénieur, engagé par l'Office, qui y avait introduit une défectuosité mineure, soit un fusible brûlé. L'enquêteur est retourné chez l'appelante pour reprendre l'appareil. Un préposé lui a présenté une facture au montant de 95,97 $, sur laquelle on retrouve la mention suivante: «technical service labour - réparé circuit imprimé 77 $». L'appareil a été réexaminé par l'ingénieur de l'Office, qui a constaté qu'aucune réparation n'avait été effectuée au circuit imprimé de l'appareil, d'où la présente accusation. Le tribunal de première instance a acquitté l'appelante. Le procureur général a porté cette décision devant la Cour supérieure par un appel de novo, conformément aux articles 75 et 78 de la Loi sur les poursuites sommaires. La Cour supérieure a maintenu l'appel et a déclaré l'appelante coupable de l'infraction reprochée, d'où le présent appel.

Résumé de la décision

  1. le juge Monet: L'appelante a été acquittée par un tribunal compétent. L'appel interjeté par le procureur général par voie de procès de novo, comme le prévoient les articles 75 et 78 de la Loi sur les poursuites sommaires, viole l'article 11 h) de la Charte canadienne des droits et libertés (arrêt suivi: Corporation professionnelle des médecins du Québec c. Thibault (C.S. Can., 1988-05-26), SOQUIJ AZ-88111043, J.E. 88-744, D.T.E. 88T-531, [1988] 1 R.C.S. 1033). En effet, les dispositions de l'article 75, en conférant un droit d'appel au poursuivant ou au plaignant, sont contraires au droit de tout inculpé de ne pas être jugé de nouveau pour une infraction dont il a été définitivement acquitté.
  2. le juge LeBel: Les principes posés par l'arrêt Thibault sont applicables à la présente affaire, même si cet arrêt visait un cas où le procès de novo n'avait pas encore eu lieu, alors que, en l'espèce, le procès de novo a eu lieu et que l'accusé a interjeté appel. Toutefois, la Cour suprême a estimé que, depuis l'entrée en vigueur de la charte, la prohibition d'un second procès pour la même inculpation s'applique à l'appel engagé par la poursuite sous la forme d'un procès de novo. Par conséquent, la charte ne serait pas moins violée par la tenue même du nouveau procès que par l'ordre de le tenir.

Mme le juge Mailhot (dissidente): L'infraction prévue par l'article 222 c) de la Loi sur la protection du consommateur est une infraction de responsabilité stricte. La poursuite doit démontrer l'accomplissement de l'acte, sans qu'il soit nécessaire de démontrer la mens rea. Il appartient ensuite à l'accusé d'écarter sa responsabilité en démontrant qu'il a pris toutes les précautions nécessaires. En l'espèce, la poursuite a démontré l'accomplissement de l'acte fautif. Le juge de la Cour supérieure a conclu que l'accusé n'avait pas fait preuve de diligence raisonnable et il n'y a pas lieu d'intervenir quant à cette conclusion. L'arrêt de la Cour suprême dans l'affaire Thibault ne trouvant pas application en l'espèce, il y a lieu de rejeter l'appel.


Dernière modification : le 9 août 1988 à 11 h 16 min.