Résumé de l'affaire
Appel d'un jugement de la Cour supérieure ayant rejeté une requête pour autorisation d'exercer un recours collectif. Accueilli.
L'appelant est un retraité de l'intimée, Vivendi Canada ltée, anciennement Compagnie Seagram ltée. Le contrat de travail des membres de la direction et des salariés de Seagram prévoyait un régime d'assurance-maladie complémentaire qui couvrait tous les employés ainsi que les personnes à charge, tant pour la période de leur vie active de travail que pour toute la durée de leur retraite. En 2009, l'intimée a avisé les retraités bénéficiaires que plusieurs changements à la baisse seraient apportés au régime. Ce dernier ne compte désormais que des retraités. Le requérant a demandé l'autorisation d'exercer un recours collectif contre l'intimée. Il souhaite également que lui soit attribué le statut de représentant de tous les membres de la direction et salariés retraités de Seagram qui sont admissibles à des soins médicaux postretraite en vertu du régime ainsi que des personnes à charge ou des ayants droit des retraités. Le groupe comprend quelque 250 retraités ou conjoints survivants de retraités qui travaillaient dans différentes provinces canadiennes et dont 54 % travaillaient au Québec. Le juge de première instance a conclu que le recours collectif n'était pas le bon véhicule procédural en raison du nombre important de questions qui nécessiteraient une analyse individualisée à l'égard de chacun des membres du groupe proposé et qu'il n'y avait pas apparence de droit.
Décision
M. le juge Léger: Le juge de première instance s'est trompé en tranchant certaines questions relevant du fond du litige. Pour déterminer la validité ou la légalité des modifications, il a procédé à une analyse approfondie des questions individuelles au fond, comme le reflète l'exercice minutieux de division du groupe en cinq sous-groupes auquel il s'est livré. Sa démarche l'a conduit à décortiquer la situation des membres des cinq sous-groupes, pour ensuite décomposer de nouveau ceux-ci en questions particularisées en fonction de chacun d'eux, pour finalement statuer sur l'absence de droits acquis de leurs membres, avant d'apprécier la légalité des modifications réductrices à leur endroit. Cette méthodologie l'a conduit à conclure à l'absence de questions identiques, similaires ou connexes. Or, le juge devait éviter d'approfondir la validité de la clause de modification réductrice propre à chacun des membres. De plus, en poussant trop loin la fragmentation des sous-groupes et en tranchant la question des droits acquis, le juge a fait fi du critère de l'apparence de droit et s'est prononcé sur la validité de la clause annonçant de possibles modifications pour l'avenir. La validité ou la légalité des modifications constitue une question commune qui se pose à l'égard de tous les membres du groupe et qui est suffisante pour autoriser le recours. Par ailleurs, les faits allégués paraissent justifier les conclusions recherchées. Tous les retraités se sont vu promettre un bénéfice collectif que reflète le régime. L'existence de droits acquis pour les membres est au coeur du litige opposant les parties et il y a matière à débat à ce sujet. Dès lors, la question de savoir si l'intimée avait le droit de modifier à la baisse les bénéfices du régime est une question de fond à trancher à un stade ultérieur et qui ne devrait pas être résolue au stade préliminaire de l'autorisation. Il en est de même de la question de la prescription, dont l'issue repose essentiellement sur des questions de fait à établir à l'occasion du procès au fond.