Résumé de l'affaire
Actions en réclamation de sommes dues en vertu de prêts d'argent. Rejetées.
Les défendeurs, qui avaient formé une société en nom collectif afin d'acquérir un immeuble locatif, en ont confié la gestion à une compagnie représentée par un dénommé Côté. Au début de 1991, les défendeurs ont dû contracter des prêts personnels afin de désintéresser un créancier hypothécaire qui menaçait de reprendre l'immeuble par voie de dation en paiement. Par l'entremise de Côté, qui leur a fait signer les documents nécessaires, les défendeurs ont obtenu de l'auteur de la demanderesse des marges de crédit totalisant 500 000 $. Cette somme a été utilisée par Côté dès la signature des documents. N'ayant jamais été remboursé, le créancier hypothécaire de la société des défendeurs est devenu propriétaire de l'immeuble aux termes d'un jugement rendu en septembre 1991. Le paiement des intérêts sur les marges de crédit qu'effectuait Côté avec beaucoup de retard a finalement cessé en janvier 1992. Ce n'est qu'au mois de mai suivant que les défendeurs ont appris que les arrérages d'intérêts s'élevaient à 21 394 $ et que leur société n'était plus propriétaire de l'immeuble. La demanderesse réclame le remboursement des marges de crédit dont le produit a été détourné par le mandataire des défendeurs, qui est, depuis, devenu insolvable. Elle prétend que cette fraude ne la concerne pas et qu'au surplus les défendeurs ont reconnu leur endettement envers elle en remboursant une partie des intérêts dus. Ceux-ci ont invoqué le manque de diligence de l'auteur de la demanderesse, qui aurait rendu possibles les manoeuvres frauduleuses de Côté. Ils prétendent de plus que le prêteur aurait manqué à son obligation de renseignement.
résumé de la Décision
Comme la compagnie de Côté avait une convention de gestion de l'immeuble des défendeurs et que ceux-ci l'ont mandaté pour négocier les conditions des prêts, l'auteur de la demanderesse pouvait considérer que Côté avait le pouvoir de les lier. En effet, même si elles ne lui étaient pas adressées, les instructions données au notaire des défendeurs concernant la radiation de l'hypothèque font état de ce mandat. Toutefois, une banque a envers ses clients une obligation de loyauté, de diligence et de renseignement. Il en va de même pour l'auteur de la demanderesse, qui est une société de fiducie (art. 200 de la Loi sur les sociétés de fiducie et les sociétés d'épargne). Par ailleurs, tout comme le client doit organiser ses affaires de manière à prévenir les fraudes, l'institution financière doit s'assurer que ses pratiques vont dans le même sens et qu'elles sont suivies par son personnel. En l'espèce, la procédure mise en place par le prêteur n'a pas été respectée par son employée, qui a remis les copies des conventions de prêt et les relevés mensuels des intérêts au mandataire des défendeurs. En agissant ainsi, elle a facilité la perpétration des manoeuvres frauduleuses de Côté. De plus, le prêteur devait agir selon les instructions des défendeurs. Même s'il n'avait pas été au courant du fait que les marges de crédit devaient servir au remboursement d'une créance hypothécaire, l'acceptation des documents de prêt signés par un débiteur que l'employée du prêteur n'avait jamais rencontré, la certification le jour même d'un chèque pour le plein montant du crédit accordé et la remise de ces sommes au mandataire du débiteur plutôt que le dépôt dans le compte bancaire de son client auraient dû éveiller ses soupçons et l'amener à effectuer certaines vérifications. Enfin, l'auteur de la demanderesse n'a pas respecté son obligation de renseignement à l'égard des défendeurs (art. 27, 126, 271 et 272 de la Loi sur la protection du consommateur). Même si la remise des documents prévus à cette loi à un tiers n'avait pas à faire l'objet d'une confirmation du débiteur, en l'espèce, l'auteur de la demanderesse ne devait pas limiter ses contacts au seul mandataire des défendeurs puisqu'il savait que ce dernier ne leur relayait pas l'information. Les fautes commises par le prêteur sont la cause directe de la perte de sommes réclamées aux défendeurs. Comme ces derniers ont effectué quelques versements d'intérêt alors qu'ils n'étaient pas au courant des fautes de leur créancière, il ne peut s'agir d'une renonciation à faire valoir leur moyen de défense.