Résumé de l'affaire

Appel d'un jugement de la Cour supérieure ayant accueilli un recours subrogatoire en réclamation de dommages-intérêts. Accueilli en partie.
L'appelante, CNH Industrial Canada Ltd., et l'intimée Claude Joyal inc. sont respectivement la fabricante et la vendeuse professionnelle d'un tracteur neuf détruit par un incendie moins de trois mois après son acquisition par Ferme J.N. Beauchemin et Fils inc. Le juge de première instance a conclu que le sinistre avait été causé par un vice caché. Il a donc accueilli le recours subrogatoire de l'intimée Promutuel Verchères, société mutuelle d'assurances générales, assureur de l'acheteur, et a condamné solidairement CNH et Joyal à lui rembourser 301 211 $. Pour ne valoir qu'entre elles, il a départagé cette responsabilité et a attribué la totalité de celle-ci à CNH. En appel, cette dernière conteste les conclusions relatives à l'existence d'un vice caché. Selon elle, Promutuel avait le fardeau de démontrer prima facie que le tracteur comportait un vice caché avant de pouvoir jouir d'une quelconque présomption légale découlant de la vente. Elle soutient que l'article 1729 du Code civil du Québec (C.C.Q.) ne met en place qu'une présomption d'antériorité du vice. CNH prétend également qu'il ne peut y avoir de subrogation légale permettant à Promutuel de réclamer la totalité du prix de vente du tracteur. Elle estime de plus que l'article 469 du Code de procédure civile (C.P.C.) (ancien) n'autorisait pas le juge à la condamner à rembourser toute somme que Joyal pourrait être appelée à payer à Promutuel.

Décision

M. le juge Pelletier: L'article 1729 C.C.Q. crée une triple présomption en faveur de l'acheteur, soit celle de l'existence d'un vice, celle de son antériorité par rapport au contrat de vente et celle du lien de causalité entre le vice et la détérioration ou le mauvais fonctionnement. Cette présomption peut être repoussée en cas de faute causale de l'acheteur ou d'un tiers ou encore lorsqu'il y a force majeure. En l'espèce, le juge a conclu que la destruction du tracteur sans cause externe apparente était survenue alors que le bien était à l'état neuf. Joyal et CNH n'ont pas prouvé que la destruction du bien n'était pas survenue prématurément ni que la perte tirait son origine d'une cause étrangère à un vice préexistant. Il n'y a pas lieu d'intervenir à l'égard des conclusions du juge relatives à l'existence d'un vice caché. Par ailleurs, le juge ne s'est nullement appuyé sur la notion de «subrogation légale» pour reconnaître à Promutuel le droit de s'adresser à CNH et à Joyal. Il a conclu que la perte totale résultait de la présence d'un vice caché, et l'argument de CNH selon lequel Promutuel ne pouvait lui réclamer la pleine valeur du tracteur est sans fondement. Toutefois, le juge n'avait pas devant lui la preuve permettant d'établir la part de responsabilité de CNH et de Joyal dans la condamnation. Par conséquent, l'appel est accueilli à la seule fin de rayer les paragraphes qui accueillent la demande de Joyal selon l'article 469 C.P.C. (ancien) et qui condamnent CNH à lui rembourser toute somme qu'elle pourrait être appelée à payer à Promutuel.

 


Dernière modification : le 5 août 2022 à 15 h 15 min.