Résumé de l'affaire

Appel et appel incident d'un jugement de la Cour du Québec ayant condamné l'appelante à payer 9 000 $ à l'intimée, avec les intérêts et l'indemnité additionnelle. Appel principal contre l'intimée rejeté.

Le 14 septembre 1984, Mme Francine Lemon a acheté une automobile. Le contrat mentionnait que le vendeur demeurait propriétaire jusqu'à parfait paiement. Ce contrat a été cédé à la banque appelante. Mme Lemon n'ayant fait aucun des versements prévus au contrat de vente, l'appelante lui a signifié un avis de déchéance du bénéfice du terme et a obtenu jugement en 1985 pour la somme de 15 461 $, plus les intérêts. L'appelante n'a pas réussi à exécuter ce jugement. Le véhicule a été saisi mais d'abord laissé sous la garde de Lemon et, ensuite, confié à un autre gardien. La vente judiciaire n'a jamais eu lieu. En 1987, Lemon a vendu l'automobile à l'intimé pour 3 000 $. Après avoir dépensé 3 405 $ pour la remettre en bon état, celui-ci l'a vendue à Oscar Charbonneau pour 7 900 $. En 1988, ce dernier l'a remise volontairement à l'appelante, mais il en a repris possession le même jour en contrepartie d'un paiement de 9 000 $, l'appelante lui ayant cédé tous ses droits dans le véhicule. Il a alors intenté une action contre son vendeur, l'intimé, lui réclamant le prix payé pour l'automobile. Il a ensuite ajouté l'appelante à titre de défenderesse et lui a réclamé le prix payé lors de la cession de droits. En 1993, l'intimée a comparu en reprise d'instance à la suite du décès de Charbonneau. Le premier juge a rejeté l'action intentée contre l'intimé mais a accueilli celle formée contre l'appelante. Il a estimé que le commerçant devait choisir le recours qu'il voulait exercer parmi les possibilités offertes par l'article 138 de la Loi sur la protection du consommateur et qu'il ne pouvait les cumuler. Comme elle avait choisi d'exiger le paiement immédiat du solde de la dette et obtenu jugement pour le plein montant, elle ne pouvait pas, selon lui, reprendre ensuite possession du véhicule. Celui-ci était devenu la propriété de Lemon, qui était en droit de le vendre à l'intimé. Le premier juge a conclu que la cession de droits de l'appelante à Charbonneau était nulle et que ce dernier avait droit au remboursement de la somme payée.

 

Résumé de la décision

M. le juge Chamberland: Le contrat de vente à tempérament en vertu duquel l'automobile avait été acquise en 1984 était régi par la Loi sur la protection du consommateur. L'article 138 de cette loi prévoit les recours qui s'offrent au commerçant contre le consommateur en défaut. Les options sont interchangeables. Cependant, s'il lui est permis de changer d'avis et de choisir une autre option, le commerçant ne peut le faire lorsqu'il a obtenu un jugement ayant force de chose jugée. Les dispositions impératives de la Loi sur la protection du consommateur, une loi d'ordre public, constituent un mode d'exécution et d'extinction des obligations contractuelles du consommateur qui s'ajoutent parfois aux modes prévus aux articles 1553 et ss. du Code civil du Québec. À compter du moment où le jugement ayant condamné le consommateur à payer le solde de la dette a acquis l'autorité de la chose jugée, l'obligation contractuelle de payer de ce dernier a été éteinte et la propriété du bien lui a été transférée. La cession de droits de l'appelante à Charbonneau était donc nulle car sans objet, et le cessionnaire avait droit au remboursement de la somme payée. Il y a donc lieu de rejeter l'appel contre l'intimée. Quant au coïntimé, qui a fait cession de ses biens et reçu un avis de suspension des procédures de la part du syndic, la Cour ne peut se prononcer sur l'appel principal et incident le concernant.


Dernière modification : le 13 janvier 1997 à 0 h 00 min.