Résumé de l'affaire

Appels de jugements de la Cour supérieure. Rejetés.
Entre 1996 et 2000, Industries Cover inc., GMB International Distribution (GID) inc. et Groupe Royale inc. ont fourni à Multiver (2006) ltée et à Groupe Bocenor inc. l'intercalaire qui entre dans la fabrication d'unités de vitrage scellées. C'est Georgia Gulf Corporation qui fournissait les granules de polymères à partir desquelles l'intercalaire était extrudé. Or, l'intercalaire s'est détérioré rapidement, ce qui a entraîné un jaunissement du plastique et l'apparition de buée chimique entre les vitres. Groupe Bocenor et Multiver ont donc dû remplacer de nombreuses unités vendues à leurs clients. Elles ont réclamé à Industries Cover, GMB et Groupe Royale les sommes qu'elles ont perdues ou qu'elles ont dû débourser pour corriger cette situation. Un premier jugement a conclu à leur responsabilité solidaire en tant que fabricants et vendeurs professionnels tandis qu'un deuxième s'est penché sur le montant des dommages-intérêts, le partage de responsabilité et le recours en garantie intenté par GMB. Ce deuxième jugement a aussi rejeté la réclamation de Groupe Bocenor, faute de preuve quant aux dommages. En appel, Groupe Royale prétend que l'intercalaire ne comportait pas de vice caché. Elle reproche au juge de première instance d'avoir erré en omettant de relever des erreurs fondamentales dans les expertises déposées par Multiver et Groupe Bocenor ainsi qu'en écartant la sienne. Quant à GMB, elle nie avoir eu connaissance du vice au moment de la vente, affirmant n'avoir été qu'un simple distributeur. Elle conteste aussi le partage égal de responsabilité entre elle et Groupe Royale. Pour sa part, Crewcut Investments inc., en reprise d'instance de Groupe Bocenor, conteste le rejet de sa réclamation fondé sur l'irrecevabilité d'une preuve qu'elle avait déposée pour établir ses dommages. Enfin, Lombard Canada, qui assurait la responsabilité de GMB quant aux dommages matériels survenus, veut faire réduire la part des dommages qu'elle doit supporter.

Décision

Le juge n'a pas commis d'erreur manifeste et déterminante dans son évaluation des expertises déposées par Multiver et Groupe Bocenor, qui visaient à expliquer la source du vice. Compte tenu de la triple présomption d'existence du vice, de son antériorité et de la relation causale avec la détérioration du bien qui s'applique en cas de vente par un vendeur professionnel, ces expertises n'étaient d'ailleurs pas requises. Le juge n'a pas non plus erré en écartant l'expertise de Groupe Royale portant sur les causes du jaunissement et de la buée au motif qu'il s'agissait de simples hypothèses.

Par ailleurs, la question de savoir si GMB est un fabricant ou un simple distributeur de l'intercalaire est au mieux une question mixte de fait et de droit qui appelle déférence de la part d'une cour d'appel. En l'espèce, la preuve administrée au procès appuie la conclusion du juge selon laquelle GMB est un fabricant. Cette dernière n'a pas réussi à se soustraire à la présomption de connaissance du vice. Il y a aussi lieu de faire preuve de déférence à l'égard de l'évaluation de la gravité des fautes et du partage de responsabilité en parts égales. GMB n'a pas prouvé avoir été rassurée par Groupe Royale sur la qualité du produit qu'elle fabriquait au point de ne supporter aucune part de responsabilité.

L'appel de Crewcut est aussi rejeté. Les 2 pièces en litige, constituées de bons de commande et de recommande, de saisies d'écran et de courriels, sont extrêmement volumineuses et elles ont été produites non seulement en liasse, mais en vrac. Il est difficile d'en tirer une information utile en l'absence d'explications détaillées par un témoin qui en connaît la teneur et qui les comprend. De plus, il n'a pas été démontré que ces documents étaient employés pour constater un acte juridique ni qu'ils étaient habituellement utilisés dans le cours des activités normales de l'entreprise. Il s'agit de simples écrits régis par l'article 2832 du Code civil du Québec qui ne pouvaient être admis à titre de témoignage. Ces pièces étant irrecevables et portant sur l'ensemble des sommes réclamées, les dommages subis ne pouvaient être évalués.

Enfin, l'appel de Lombard porte sur une question de fait, soit la date de la survenance des dommages matériels. Or, vu la nature du vice qui touchait l'intercalaire, la preuve ne permettait pas de déterminer avec suffisamment de précision le moment de la survenance du dommage, qui n'est pas apparu soudainement. Par conséquent, c'est à bon droit que la juge a appliqué la théorie du «continuous trigger»: le dommage est survenu théoriquement chaque jour dès que l'intercalaire a été extrudé et incorporé à une unité de verre scellée jusqu'au jour où cette unité a été retournée à Bocenor ou Multiver. Lombard n'a pas non plus démontré que la juge a erré en réduisant la période totale d'assurance à prendre en considération.


Dernière modification : le 5 août 2022 à 11 h 24 min.