En bref

La désignation d'un immeuble par son numéro cadastral ne signifie pas nécessairement que l'acheteur l'a acquis sans égard à sa contenance.

Résumé de l'affaire

Appel d'un jugement de la Cour du Québec ayant rejeté une action en diminution de prix de vente de copropriétés divises. Accueilli en partie.

Entre le 21 mai 1992 et le 13 juin 1995, les appelants ont acheté leurs copropriétés divises de l'intimée. En mars 1995, ils ont découvert que la superficie annoncée dans la publicité de l'intimée et mentionnée dans leurs offres d'achat excédait la superficie réelle habitable puisqu'elle comprenait aussi celle des balcons. Les contrats de vente ne reproduisent pas cette mention de superficie. Estimant avoir été trompés et faisant valoir que la superficie annoncée constituait un élément important pour acheter au prix convenu, les appelants ont réclamé une diminution de prix correspondant à la superficie manquante. Après avoir conclu que l'intimée n'avait commis aucun dol, que la Loi sur la protection du consommateur n'était d'aucun secours aux appelants et que ceux-ci avaient acheté un bien individualisé sans égard à sa contenance, le premier juge a rejeté leurs réclamations. Selon les appelants, ce dernier a commis une erreur en omettant d'appliquer la présomption de dol prévue à l'article 253 de la loi et en concluant qu'ils avaient acheté sans égard à la contenance.

 

Résumé de la décision


le juge Fish: La Loi sur la protection du consommateur s'applique aux ventes d'immeubles visées par le présent litige (art. 6.1 de la loi). D'autre part, aucun commerçant ne peut faussement attribuer une dimension à un bien (art. 221). Il ne peut non plus, dans une représentation à un consommateur, passer sous silence un fait important (art. 228). Le caractère trompeur de la publicité et des pratiques commerciales visées par la loi s'apprécie en fonction du critère de la personne crédule et inexpérimentée. Compte tenu de ces principes et des attentes raisonnables des appelants, l'intimée n'a pas respecté les prescriptions de la loi. D'autre part, si les recours civils prévus dans cette loi ne s'appliquent pas aux ventes immobilières en cause, les appelants peuvent invoquer certaines dispositions de la loi et exercer les recours prévus par le droit commun. Ainsi, ils peuvent invoquer l'erreur provoquée par le dol (art. 1401 et 1407 du Code civil du Québec (C.C.Q.)). Lorsqu'un commerçant se livre à une pratique interdite lors de la vente d'un immeuble, il y a présomption de dol et présomption que le consommateur n'aurait pas payé un prix si élevé s'il avait eu connaissance de cette pratique (art. 253 de la loi). En l'espèce, il y a eu pratique interdite au sens de l'article 253.

Le vendeur est tenu de délivrer la contenance ou la quantité indiquée au contrat (art. 1720 C.C.Q. et 1500 et 1501 du Code civil du Bas Canada (C.C.)). Tout en soulignant que la désignation d'un immeuble par un numéro cadastral constituait une référence à la superficie privative cadastrée, le premier juge a conclu qu'une telle désignation prouvait que la contenance ne représentait pas un élément important pour l'acheteur. Il a ainsi commis une erreur: 1) en écartant l'application du principe énoncé dans l'arrêt Quirion c. Roy (B.R., 1947-11-14), SOQUIJ AZ-50303706, [1948] B.R. 96, qui représente encore l'état du droit sur la question; 2) en décidant que «la preuve qu'il s'agit de la vente d'un bien individualisé sert aussi à établir que la contenance, si elle est indiquée au contrat, ne l'est qu'accessoirement»; et 3) en mentionnant l'absence de discussion sur les mesures exactes du bien vendu. Ni la loi ni la jurisprudence ne permettent de conclure que la contenance n'est pas importante pour l'acheteur lorsqu'un bien est désigné par son numéro cadastral et qu'il s'agit d'un bien individualisé. L'arrêt Quirion dit plutôt le contraire. Cet arrêt précise que, pour invoquer l'exception prévue à l'article 1503 C.C., il doit être évident que la vente porte sur une chose déterminée et qu'elle a été faite sans égard à la contenance. Dans le cas présent, les immeubles vendus ont été désignés par leur numéro cadastral. Toutefois, la superficie des unités de logement était importante pour les appelants. Non seulement ils en ont discuté avec l'intimée, mais la superficie a été mentionnée à leurs promesses d'achat. Ils voulaient acquérir une unité ayant une superficie définie. L'intimée n'a pas démontré que l'exception prévue à l'article 1503 C.C. s'appliquait. Par ailleurs, le fait que les appelants n'aient pas vérifié les dimensions de leurs copropriétés ne permet pas de dire qu'ils ont acheté sans égard à la contenance. Par conséquent, n'eût été le dol de l'intimée, les appelants auraient contracté à des conditions différentes. Faute d'une preuve suffisante de la diminution de valeur de leur propriété, l'intimée devra verser à chacun d'eux une somme de 1 000 $.

Protection du consommateur (Loi sur la), (L.R.Q., c. P-40.1), art. 1 e) «consommateur», 2, 6.1, 215, 215 à 253, 216, 218, 219, 221, 221 b), 228, 253


Dernière modification : le 16 janvier 2001 à 14 h 23 min.