Résumé de l'affaire

Action en dommages-intérêts (313 000 $). Accueillie.

Alors que le demandeur fendait du bois en compagnie de son beau-frère, le défendeur, au moyen d'une fendeuse à bois louée de la défenderesse, sa main droite est restée coincée dans l'appareil, qui lui a sectionné quatre doigts, ne lui laissant plus que l'auriculaire. Une tentative de greffe s'est avérée infructueuse. Le demandeur prétend que le défendeur aurait fait preuve d'inattention en actionnant le mécanisme de la fendeuse et qu'il n'aurait pas suivi la méthode de travail que tous deux avaient mise au point au fil des ans lors des nombreuses corvées de fente de bois effectuées ensemble. Les parties ont admis le montant des dommages-intérêts réclamés. Le défendeur allègue que le demandeur aurait fait preuve d'imprudence en plaçant sa main si près du couteau de la fendeuse afin de dégager une bûche qui était restée coincée alors qu'il savait que le défendeur était susceptible d'actionner au même moment le mécanisme d'acheminement d'une autre bûche. Il prétend de plus que la fendeuse ne fonctionnait pas adéquatement et, tout comme le demandeur, il allègue que la défenderesse aurait omis de leur fournir un manuel d'instructions approprié de même que les conseils de sécurité adéquats pour le fonctionnement de la fendeuse. La défenderesse soutient que celle-ci ne présente aucun danger pour une personne normalement attentive qui s'en sert suivant les règles minimales du bon sens. De plus, elle a invoqué la clause de non-responsabilité contenue au contrat de location de la fendeuse.

 

Résumé de la décision

Le demandeur et le défendeur s'étaient entendus et avaient mis au point une méthode de travail pour la fente du bois afin de s'assurer que chacun pouvait effectuer sa tâche sans pour autant mettre l'autre en danger. Ainsi, le défendeur introduisait les bûches dans la fendeuse alors que le demandeur s'employait à dégager le plateau de l'appareil en retirant les bûches fendues. Lorsque l'une des bûches acheminées par le défendeur restait coincée sur le bloc fendeur, les beaux-frères procédaient toujours de la même façon pour la dégager. Le défendeur ne devait alors actionner la manette déclenchant la sortie d'une bûche que lorsque le demandeur avait terminé de dégager le morceau qui restait coincé. Or, le jour de l'accident, le défendeur, qui se concentrait sur l'exécution de sa tâche, a eu un malheureux moment d'inattention. En omettant de regarder si le demandeur avait réussi à dégager la bûche qui était restée coincée, le défendeur a contrevenu aux règles élémentaires de prudence et il n'a pas respecté la méthode de travail que lui et son beau-frère avaient adoptée au fil des ans. Il doit donc être tenu responsable de la perte des doigts du demandeur, à qui l'on ne peut rien reprocher.

Par ailleurs, le locateur d'appareils doit aviser le locataire des dangers inhérents qui lui sont inconnus et que l'utilisation du bien loué est susceptible de présenter ainsi que des mesures de sécurité à prendre (art. 1469 du Code civil du Québec). Comme la défenderesse n'a pas attiré l'attention du demandeur sur la clause de non-responsabilité contenue au contrat de location, elle ne peut la lui opposer. Au surplus, un consommateur ne peut renoncer à la garantie d'information sur la sécurité (art. 53 de la Loi sur la protection du consommateur). Les parties ont reconnu qu'aucun manuel d'instructions n'a été remis au demandeur lorsqu'il a signé le contrat de location et qu'aucune consigne de sécurité minimale ne figurait sur la fendeuse. Or, la défenderesse aurait dû utiliser les manuels d'instructions qu'elle avait en sa possession pour se renseigner sur les mesures de sécurité adéquates à prendre lors de l'utilisation de cet appareil. Elle devait informer le locataire non seulement des fonctions de démarrage et d'opération sommaires de la fendeuse, mais aussi des règles de sécurité. Le locateur d'un appareil dont l'utilisation normale est susceptible de causer des blessures à son utilisateur doit informer ce dernier des précautions qu'il n'est pas susceptible de connaître par lui-même. En l'espèce, la défenderesse n'a adressé aucune mise en garde concernant la méthode de travail appropriée à adopter. Elle ne s'est pas informée si le client entendait utiliser l'appareil seul ou avec d'autres, alors que, dans ce dernier cas, les manuels d'instructions de certains fabricants de fendeuses recommandent une méthode de travail en raison de l'augmentation des risques d'accident. Le demandeur et le défendeur savaient que l'utilisation de la fendeuse comportait des risques. Sans connaître la méthode de travail recommandée, ils en ont élaboré une au fil des ans, en l'absence d'instruction appropriée. Ces utilisations antérieures ont leurré le défendeur et le demandeur quant aux dangers réels que présentait cet appareil. Ces derniers ne pouvaient connaître par eux-mêmes, en l'absence d'information adéquate de la part de la défenderesse, la méthode de travail appropriée pour effectuer ensemble la fente de bois ni les précautions à prendre dans de telles circonstances. Il s'agissait pour eux d'un danger inconnu et caché contre lequel la défenderesse ne les a pas mis en garde. Par conséquent, les défendeurs seront responsables en parts égales de l'accident qui a coûté quatre doigts au demandeur. Le quantum des dommages est admis.

 


Dernière modification : le 24 novembre 2000 à 12 h 32 min.