En bref

Les acheteurs ont été induits en erreur par le constructeur et promoteur du projet immobilier, qui leur a fait miroiter des coûts de chauffage et de climatisation inférieurs à la réalité, ce qui constitue un dol par réticence.

Les déclarations fausses ou trompeuses faites par le constructeur et promoteur d'un projet immobilier quant aux coûts de chauffage et de climatisation de l'immeuble constituent une pratique de commerce interdite en vertu de l'article 219 de la Loi sur la protection du consommateur; par conséquent, il y a présomption de dol au sens du droit civil.

Un syndicat de copropriétaires a un intérêt suffisant pour faire valoir les droits personnels mais communs à la quasi-totalité des copropriétaires.

Les commentaires du ministre de la Justice portant sur l'article 1039 C.C.Q. confirment qu'un syndicat a pour objet la défense d'intérêts communs; de plus, le recours au droit français et au droit ontarien permet d'élargir la sphère d'intérêts du syndicat et de conclure qu'il a un intérêt suffisant pour faire valoir les droits personnels mais communs à la quasi-totalité des copropriétaires.

Résumé de l'affaire

Requête en dommages-intérêts et en réclamation d'une somme d'argent (702 345 $). Accueillie en partie (328 000 $). Recours en garantie. Rejeté.

Le demandeur est un syndicat représentant les copropriétaires d'un immeuble de 90 unités construit par la défenderesse Développement des quais inc. (DQI), qui en était aussi le promoteur. En juin 2002, avant le début des travaux de construction, DQI a reçu une offre du consortium des codéfenderesses (CCUM) relativement au chauffage et à la climatisation de l'immeuble. DQI a proposé aux acheteurs éventuels un système central semblable à celui installé précédemment dans un immeuble voisin, au prix de 4 000 $ par unité et dont le coût mensuel d'énergie serait aussi similaire, soit de 0,10 $ le pied carré. Selon elle, ce système allait améliorer le confort des occupants et augmenter la valeur de l'immeuble. Ainsi, 82 des 90 propriétaires ont accepté cette offre. Or, la construction du réseau de distribution a coûté plus cher que prévu à DQI, soit 606 395 $, de sorte que chaque propriétaire a finalement dû payer 8 000 $ pour son système. Les charges communes, qui comprennent les coûts de chauffage et de climatisation de tout l'immeuble, se sont révélées beaucoup plus élevées que prévu. Le syndicat réclame donc 702 345 $ aux défenderesses, soit 606 395 $ en dommages-intérêts et 95 950 $ pour le remplacement des compteurs dans chaque partie privative étant donné que, selon lui, ils sont défectueux. Pour sa part, DQI appelle en garantie les défenderesses.

Résumé de la décision

Lors de l'achat de leur unité privative, la préoccupation principale des acheteurs était le coût d'énergie pour leur propre unité. Or, ils ont été induits en erreur par DQI, qui leur a fait miroiter des coûts de chauffage et de climatisation inférieurs à ce qu'ils sont réellement. En n'informant pas correctement les acheteurs et le syndicat sur la façon dont les coûts avaient été estimés, DQI a commis un dol par réticence. Comme l'enseigne la Cour d'appel dans Turgeon c. Germain Pelletier ltée (C.A., 2001-01-16), SOQUIJ AZ-50082341, J.E. 2001-314, [2001] R.J.Q. 291, [2001] R.D.I. 28 (rés.), les déclarations fausses ou trompeuses qu'elle a faites constituent une pratique de commerce interdite en vertu de l'article 219 de la Loi sur la protection du consommateur et, par conséquent, la présomption prévue à l'article 253 s'applique. Ce recours en vertu de la loi s'ajoute au recours civil intenté par les acheteurs. Ainsi, il y a présomption de dol au sens du droit civil. DQI n'ayant pas repoussé la présomption selon laquelle les acheteurs n'auraient pas contracté ou ne l'auraient pas fait au même prix s'ils avaient connu les coûts d'énergie réels, elle est responsable du dommage causé par ses fausses déclarations. Par ailleurs, à première vue, une interprétation littérale de l'article 1039 du Code civil du Québec limiterait l'objet du syndicat et l'empêcherait d'exercer un recours relatif à un droit personnel à chaque propriétaire. Les commentaires du ministre de la Justice sur cet article confirment qu'un syndicat a pour objet la défense d'intérêts communs. Celui-ci a la qualité pour agir en justice, conjointement ou non avec un copropriétaire, pour la sauvegarde des droits afférents à l'immeuble (Belcourt Construction Co. c. Cooperberg (C.A., 1993-07-30), SOQUIJ AZ-93011786, J.E. 93-1418, [1993] R.J.Q. 2038, [1993] R.D.I. 467 (rés.)). Par ailleurs, le droit français et le droit ontarien permettent d'élargir la sphère d'intérêt du syndicat. Ainsi, même si les fausses déclarations n'ont pas été faites au syndicat, celui-ci a un intérêt suffisant pour faire valoir les droits personnels mais communs à la quasi-totalité des copropriétaires. Quant au quantum des dommages, le syndicat ne peut prétendre avoir droit à la somme de 606 395 $ versée par CCUM à DQI, car cela équivaudrait à un enrichissement. Il y a donc lieu d'accorder la somme de 4 000 $ par unité touchée par les fausses déclarations, soit 82, pour un total de 328 000 $. La preuve n'étant pas concluante quant au remplacement des compteurs défectueux, cette réclamation est rejetée. Enfin, le recours en garantie est aussi rejeté, les défenderesses n'ayant commis aucune faute contractuelle ni agi de mauvaise foi.

 


Dernière modification : le 18 mars 2011 à 15 h 11 min.