en bref

Le contrat aux termes duquel une agence de sécurité s'est engagée à répondre aux signaux émis par le système d'alarme qu'elle a livré et installé chez l'un de ses clients est un contrat de services à exécution successive régi par les dispositions de la Loi sur la protection du consommateur.

Résumé de l'affaire

Appel d'un jugement de la Cour supérieure ayant rejeté l'action des appelants en réclamation de dommages-intérêts. Accueilli en partie (48 850 $).

En décembre 1975, les appelants ont conclu un contrat pour la surveillance électronique de leur résidence avec Garda Alarms Co., qui leur offrait un système d'alarme relié à une centrale par une ligne téléphonique. Quatre ans plus tard, l'intimée a acquis l'entreprise de Garda et a continué à offrir aux clients de cette dernière les mêmes services qu'ils recevaient auparavant. Au mois de février 1994, alors que les appelants se trouvaient en vacances à l'extérieur du pays, leur résidence a été cambriolée. Après que la centrale de l'intimée eut reçu un signal de «trouble», l'un de ses préposés a appelé Bell Canada afin de vérifier si le problème était dû à une défaillance du réseau de cette dernière. Quelques heures plus tard, Bell a informé l'intimée que le problème était localisé à la résidence des appelants. L'intimée a toutefois attendu 36 heures avant de dépêcher un agent de sécurité sur les lieux. Celui-ci a alors constaté que le système d'alarme n'avait pu être déclenché parce que la ligne téléphonique reliant la résidence à la centrale de l'intimée avait été sectionnée. Les appelants ont prétendu que l'intimée devait être tenue responsable des dommages qu'ils ont subis parce qu'elle aurait tardé à répondre au signal reçu au moment du cambriolage de leur résidence. Ils lui ont réclamé la valeur du contenu d'un coffre-fort qui leur a été volé (48 500 $), la franchise qu'ils ont payée à leur assureur (500 $), des indemnités à titre de dommages moraux (4 500 $) et à titre de dommage exemplaire (80 000 $) ainsi que le remboursement des honoraires extrajudiciaires qu'ils ont engagés (15 000 $). Le juge de première instance a rejeté leur réclamation après avoir conclu que l'obligation de l'intimée d'envoyer un agent à la résidence de ses clients était conditionnelle à la réception d'un signal d'«alarme» et non d'un signal de «trouble». Le juge a estimé que les appelants devaient supporter les conséquences du cambriolage vu leur refus d'opter pour un système d'alarme plus performant capable de transmettre un signal malgré le sectionnement des fils téléphoniques comme le faisait valoir la publicité de l'intimée, à laquelle ils n'ont pas répondu. Il a également considéré que la clause d'exonération de responsabilité contenue au contrat liant les parties devait s'appliquer.

 

Résumé de la décision

  1. le juge Dalphond: Les appelants ont réclamé une indemnité à titre de dommage exemplaire et le remboursement des honoraires extrajudiciaires aux termes d'une requête pour permission de modifier la déclaration. Or, celle-ci ne sera accueillie qu'en partie. En effet, même si les appelants avaient le droit de réclamer des dommages exemplaires (art. 272 de la Loi sur la protection du consommateur), ils n'ont pas rempli les critères prévus à l'article 1621 du Code civil du Québec. La modification relative aux honoraires extrajudiciaires sera toutefois accueillie puisque les comptes de leurs avocats ont été produits.

Les parties étaient liées par un contrat de services à exécution successive assujetti aux dispositions de la Loi sur la protection du consommateur. Un tel contrat de consommation devait donc être interprété en faveur des appelants (art. 17 de la Loi sur la protection du consommateur). Les services rendus par l'intimée devaient être conformes au contrat, aux déclarations et à la publicité faites au moment de sa conclusion ainsi qu'au contenu de la proposition de l'auteure de l'intimée aux appelants en décembre 1975 (art. 41 et 42). Celle-ci prévoyait notamment que Garda s'engageait à dépêcher un agent de sécurité dès qu'elle recevait un signal. D'ailleurs, la conduite des parties démontre que l'intimée devait réagir même s'il s'agissait d'un signal de «trouble». Elle a manqué à ses obligations en ne dépêchant un agent que plusieurs heures après avoir obtenu une réponse de Bell alors que ses appels téléphoniques à la résidence des appelants demeuraient sans réponse. Les conclusions contraires du juge de première instance découlent d'une erreur de droit puisqu'il a omis de tenir compte des dispositions de la Loi sur la protection du consommateur en matière d'interprétation d'un contrat de consommation. La clause d'exonération prévue au contrat était sans effet compte tenu des dispositions de l'article 10 de la loi, qui sont d'ordre public (art. 262). D'autre part, il est indéniable que les cambrioleurs sont demeurés relativement longtemps dans la résidence des appelants. L'arrivée d'un agent de sécurité ou de la police dans les 20 à 30 minutes aurait sûrement provoqué leur fuite ou même permis leur arrestation, de sorte qu'ils n'auraient pu s'enfuir avec un coffre-fort d'une centaine de livres. Les appelants auront donc droit au remboursement de la valeur de son contenu. Les dommages résultant de l'introduction par effraction ne sont toutefois pas attribuables à l'omission de répondre au signal, si bien qu'il n'y a pas lieu d'accorder le remboursement de la franchise que les appelants ont payée à leur assureur à cet égard. Il en va de même pour la réclamation à titre de dommages moraux étant donné que l'insécurité ressentie par les appelants depuis le vol dans leur maison ne résulte pas du temps de réponse de l'intimée. Compte tenu des principes établis dans l'affaire Aubry c. Éditions Vice-Versa inc. (C.S. Can., 1998-04-09), SOQUIJ AZ-98111049, [1998] 1 R.C.S. 591 (J.E. 98-878), il n'y a pas lieu non plus d'accorder aux appelants le remboursement des honoraires de leurs avocats, d'autant moins que, en l'espèce, l'intimée n'a pas commis d'abus de droit.

 

 

 


Dernière modification : le 28 août 2002 à 21 h 39 min.