en bref

L'appelant n'ayant pas démontré qu'il détenait un billet de loterie valide gagnant pour le tirage du 28 mai 2008, la Société des loteries du Québec était fondée à refuser de lui payer la part du gros lot de 27 millions qu'il réclame.

La clause au verso d'un billet de loterie qui renvoie au Règlement sur les concours de pronostics et les jeux sur numéros ne constitue pas une clause externe et, par conséquent, les dispositions des articles 1435 et 1437 C.C.Q. ne s'appliquent pas; le règlement régit le contrat de jeu intervenu entre les parties.

Le contrat de jeu conclu entre Loto-Québec et un consommateur lors de l'achat d'un billet de loterie chez un détaillant autorisé est un contrat conclu à distance au sens de l'article 54.1 de la Loi sur la protection du consommateur; il se forme dès que Loto-Québec reçoit l'information à son ordinateur central et non lorsque celle-ci est entrée dans le terminal du détaillant.

résumé de l'affaire

Appel d'un jugement de la Cour supérieure ayant rejeté une requête en réclamation d'une somme d'argent (13,5 M$). Rejeté.

Le 23 mai 2008, peu avant 21 h, l'appelant s'est rendu dans un dépanneur afin de s'y procurer des billets de loterie pour le tirage du jour. Il a acheté deux billets pour la loterie Super 7 ainsi qu'une participation à l'Extra. Le premier billet porte la date du 23 mai 2008 alors que le second est daté du 30 mai, car il a été enregistré à l'ordinateur central de la Société des loteries du Québec (Loto-Québec) après 21 h, heure de fermeture fixée par celle-ci dans sa publicité. Ayant constaté cette situation, le commis a demandé à l'appelant s'il désirait tout de même conserver le billet du 30 mai, ce que ce dernier a accepté. Or, les numéros gagnants de la loterie Super 7 du tirage du 23 mai correspondaient aux numéros qui figuraient sur le billet de l'appelant daté du 30 mai. Ce dernier prétend avoir droit à la moitié du gros lot de 27 millions de dollars, mais Loto-Québec a refusé de payer car, selon elle, il ne détenait pas un billet valide pour le tirage du 23 mai comme l'exige l'article 16 du Règlement sur les concours de pronostics et les jeux sur les numéros. La juge de première instance a rejeté la requête de l'appelant en concluant que le contrat de jeu n'avait pas été formé avant 21 h le 23 mai 2008. Elle a également estimé que la clause figurant au verso du billet, qui fait référence au règlement, est une clause externe au sens de l'article 1435 du Code civil du Québec (C.C.Q.) et que celle-ci avait été suffisamment divulguée à l'appelant pour lui être opposable. Enfin, la juge a décidé que, même si la demande de l'appelant quant au second billet avait été enregistrée dans l'ordinateur central de Loto-Québec avant 21 h, il n'aurait pas obtenu la même sélection. L'appelant prétend que le contrat de jeu conclu avec Loto-Québec est un contrat d'adhésion sujet aux règles contenues aux articles 1435 à 1437 C.C.Q. Selon lui, le règlement, auquel renvoie une clause au verso du billet de loterie, ne lui est pas opposable à titre de clause externe parce qu'il n'a pas été porté à sa connaissance. De plus, il est d'avis que les règles du contrat de jeu qui en découlent sont incompréhensibles et qu'elles sont excessives dans la mesure où elles autorisent Loto-Québec à renier ses obligations contractuelles et à exclure sa responsabilité.

résumé de la décision

Mme la juge Thibault: Le contrat conclu entre les parties, en plus d'être un contrat d'adhésion et de consommation, est un contrat conclu à distance au sens de l'article 54.1 de la Loi sur la protection du consommateur. Le commerçant est donc réputé être l'offrant dès que sa proposition comporte tous les éléments essentiels du contrat envisagé. L'article 1388 C.C.Q. prévoit également que l'offre de contracter doit comprendre tous les éléments essentiels du contrat envisagé et indiquer la volonté de l'offrant d'être lié en cas d'acceptation. La juge de première instance a décidé que la publicité de Loto-Québec ne constituait pas une offre, mais plutôt une invitation à contracter, car elle ne contenait pas tous les éléments du contrat envisagé. Or, ceux-ci sont déjà déterminés ou ils sont déterminables. En effet, le prix de la mise est fixe et annoncé comme tel. Le participant n'a qu'à choisir la quantité de mises qu'il désire acheter. Il en va de même pour la combinaison, qu'elle soit déterminée par le participant manuellement ou générée par l'ordinateur. Quant à la date de tirage, elle est déterminée automatiquement par Loto-Québec. La conclusion d'un contrat à distance pose aussi le problème du moment de la formation de celui-ci. En l'espèce, le contrat de jeu intervenu entre les parties n'a pas été formé avant 21 h le 23 mai 2008. Un tel contrat se forme dès que Loto-Québec reçoit l'acceptation de l'offre de contracter, c'est-à-dire lorsque l'information est reçue à son ordinateur central et non lorsqu'elle est entrée dans le terminal du détaillant. En application de Hydro-Québec c. Surma (C.A., 2001-05-09), SOQUIJ AZ-50086295, J.E. 2001-1032, [2001] R.J.Q. 1127, et de la doctrine majoritaire, la clause au verso du billet de loterie qui renvoie au règlement ne constitue pas une clause externe et, par conséquent, les dispositions des articles 1435 et 1437 C.C.Q. ne s'appliquent pas. Le contrat de jeu intervenu entre les parties est régi par le règlement. Celui-ci confère à Loto-Québec une latitude considérable pour la délivrance de billets de loterie. En vertu de l'article 9 du règlement, c'est l'acceptation par l'intimée de l'enjeu d'un participant qui entraîne la délivrance d'un billet de loterie. De plus, l'article 16 du règlement subordonne le paiement du lot à la présentation par un participant d'un billet valide gagnant. Selon le système informatique mis en place par Loto-Québec, seuls les enjeux enregistrés à l'ordinateur central avant 21 h pour un tirage donné sont admissibles pour ce tirage. Afin d'assurer l'intégrité de l'ensemble des opérations entre les terminaux et la centrale, c'est l'horloge centrale de Loto-Québec qui détermine l'heure d'enregistrement. Par conséquent, Loto-Québec était fondée à refuser de payer à l'appelant la part du gros lot de 27 millions puisqu'il n'était pas détenteur d'un billet valide gagnant pour le tirage du 23 mai 2008. D'autre part, l'appelant n'ayant pas refusé le billet du 30 mai, il serait malvenu de réclamer que Loto-Québec lui rembourse ce qu'il a volontairement accepté de payer pour celui-ci. Enfin, la juge n'a pas commis d'erreur en concluant que la sélection qui figurait sur le billet du 30 mai aurait été différente si ce billet avait été daté du 23 mai. Par conséquent, l'appel doit être rejeté.


Dernière modification : le 30 mai 2014 à 8 h 32 min.