en bref

La défenderesse, qui exploite un hôtel offrant, à titre de prestation incluse dans un contrat d'hébergement, le droit de garer un véhicule sur son terrain, ne peut invoquer une clause de non-responsabilité qui à la fois est abusive selon l'article 1437 C.C.Q. et contrevient à l'article 10 de la Loi sur la protection du consommateur pour refuser d'indemniser la demanderesse à la suite du vol d'un véhicule.

Le contrat intervenu entre les parties était un contrat hybride comportant les éléments du contrat de dépôt et du contrat de location.

L'occupation d'une place réservée aux véhicules des clients de l'hôtel exploité par la défenderesse était comprise dans le tarif payé en vertu du contrat, tarif qui variait selon la durée de l'absence des voyageurs.

La clause d'exonération de responsabilité comprise au contrat hybride liant les parties, laquelle fait partie intégrante d'un contrat de consommation qui prévoit la dispensation d'un service, était illégale.

résumé de l'affaire

Requête en réclamation de dommages-intérêts (40 550 $). Accueillie.

Le 25 janvier 2012, Légaré a payé 99 $ pour que lui et sa famille puissent coucher à l'hôtel exploité par la défenderesse, pour que le véhicule de sa compagnie, l'assurée, puisse être laissé dans le stationnement de la défenderesse et pour profiter, à l'aller et au retour, d'un service de navette. Alors que sa conjointe s'enregistrait, Légaré a placé le véhicule à l'endroit désigné, derrière l'hôtel, remarquant qu'une barrière électronique était bloquée et restait ouverte et n'observant aucune autre mesure de sécurité ni la présence d'un gardien. À son retour de vacances, le 2 février, Légaré et sa famille ont constaté la disparition du véhicule. La demanderesse, subrogée dans les droits de son assurée, reproche au propriétaire de l'hôtel d'avoir failli à ses obligations de dépositaire en ne surveillant pas adéquatement l'endroit où le véhicule se trouvait et en ne prenant pas tous les moyens nécessaires pour éviter le vol. La défenderesse oppose une clause de non-responsabilité que la conjointe de Légaré a signée avant de prendre possession de leur chambre le 25 janvier. Selon cette clause, le signataire comprenait que, en laissant son véhicule dans le stationnement de la défenderesse, l'hôtel ne serait pas responsable des dommages ou de la perte de sa propriété personnelle. La version française de la clause indiquait aussi que, pour tout vol de véhicule, la défenderesse ne serait pas responsable. La demanderesse fait valoir que cette clause serait abusive en vertu de l'article 1437 du Code civil du Québec (C.C.Q.) et interdite par l'article 10 de la Loi sur la protection du consommateur. La défenderesse prétend que le contrat en cause serait un contrat de location d'une place de stationnement en vertu duquel elle n'avait aucune obligation de surveillance. Enfin, elle nie catégoriquement avoir commis une faute lourde dans les circonstances. Une policière entendue à l'audience a expliqué que des dizaines de vols de véhicules sont répertoriés depuis cinq ans à l'adresse du commerce de la défenderesse et qu'il s'agirait d'un secteur à risque.

résumé de la décision

Le litige entre les parties doit être réglé sans égard à la clause de non-responsabilité. D'une part, les circonstances de la prise de connaissance de la clause et sa signature reposent sur le fait qu'elle a été proposée par l'employée de la défenderesse comme signifiant essentiellement que l'hôtel ne pouvait pas garantir le remplacement des objets laissés à bord du véhicule et qui pourraient disparaître. La présentation de la clause portait donc davantage sur le contenu du véhicule que sur le vol de celui-ci. Il faut aussi considérer que cette clause, lue littéralement, créerait une immunité absolue en faveur de l'hôtelier même lorsque le bien appartenant au client est placé dans une zone à risque, et ce, sans même que le client soit mis en garde de la prévalence d'un risque de dommage, voire de vol, à proximité du bâtiment hôtelier. Cette clause, qui dénature le contrat de service hôtelier,,, lequel est par essence une entente procurant confort et sécurité —, est abusive selon l'article 1437 C.C.Q. D'autre part, il s'agit d'une condition contractuelle illégale parce qu'elle contrevient à l'article 10 de la loi. En effet, la clause est partie intégrante d'un contrat de consommation qui prévoit la fourniture d'un service. En ce qui a trait à la qualification du contrat, il ne peut être question du contrat hôtelier à responsabilité limitée prévu à l'article 2298 C.C.Q. puisque la perte d'un véhicule n'est certes pas comparable à celle des effets personnels et des bagages dont il est question à cet article. Le contrat en cause est sûrement un contrat hybride comportant les éléments du contrat de dépôt et du contrat de location. Ainsi, l'occupation d'une place réservée aux véhicules des clients de l'hôtel est comprise dans le tarif, lequel varie selon la durée de l'absence des voyageurs. Au final, toutefois, la qualification du contrat est sans importance en présence d'une faute lourde telle celle commise par la défenderesse. En l'espèce, la défenderesse exploite son hôtel dans un secteur à risque élevé où il existe un problème important de vols de véhicules. Or, cela ne suffit pas pour immuniser contre toute responsabilité civile alors que la défenderesse n'a pas adopté des mesures diligentes et soucieuses du bien d'autrui dans un contexte de risque élevé de vol de véhicules pendant les séjours plus ou moins prolongés de la clientèle. Son installation telle que décrite et visant à accorder à ses clients un droit d'occupation par un véhicule constitue en réalité de la fausse sécurité, voire un piège, surtout à l'intérieur de la zone réservée exclusivement aux clients de l'hôtel. Une telle situation constitue de l'insouciance, de l'imprudence et de la négligence grossière.


Dernière modification : le 1 avril 2014 à 17 h 02 min.