En bref

Un contrat d'enseignement conclu avec une école de la Floride est un contrat de louage de services à exécution successive assujetti à la Loi sur la protection du consommateur.

Résumé de l'affaire

Requête en exception déclinatoire et en irrecevabilité d'un recours collectif. Rejetée.

Les requérantes ont été autorisées à exercer un recours collectif. Elles reprochent à la défenderesse, une école située en Floride, d'avoir fait de fausses déclarations au Québec notamment quant à la qualité des cours qu'elle offrait. Un reproche est également formulé au ministère de l'Éducation du Québec, qui, en inscrivant le nom de cette école sur la liste des établissements désignés et des programmes reconnus aux fins de prêts et bourses, a laissé croire qu'elle respectait les normes de qualité. Les requérantes prétendent également qu'il n'aurait pas fait preuve de diligence suffisante lorsqu'il est devenu apparent que l'école constituait une arnaque. Le procureur général du Québec (PGQ) soutient que le tribunal n'a pas compétence pour entendre le litige, car l'école était située en Floride au moment des événements. Il ajoute que le recours dirigé contre lui, qui serait de nature extracontractuelle, est distinct de celui de nature contractuelle opposant les requérantes à l'école. Il en déduit que sa responsabilité ne peut être examinée que si les requérantes obtiennent d'abord un jugement contre l'école. Ces dernières ont invoqué l'absence d'intérêt juridique du PGQ pour contester la compétence des tribunaux québécois.

Résumé de la décision

Le moyen fondé sur l'absence d'intérêt juridique du PGQ ne peut être retenu. Ce dernier a en effet un intérêt immédiat à ce que soit tranchée la question relative à la compétence des tribunaux québécois au regard du recours dirigé contre l'école. Si le recours contre cette dernière était rejeté à ce stade-ci, le PGQ en tirerait un grand avantage, car il n'y aurait plus de cause d'action contre lui.

Comme le contrat intervenu entre les requérantes et l'école est un contrat de consommation, les tribunaux québécois sont compétents pour entendre le recours en vertu de l'article 3149 du Code civil du Québec (C.C.Q.). Le contrat d'enseignement est en effet un contrat de louage de services à exécution successive prévu aux articles 188 et ss. de la Loi sur la protection du consommateur. Le PGQ ne peut invoquer les exceptions qui y sont énumérées pour conclure que l'école est exclue de l'application de cette loi. D'une part, l'article 188 de la loi ne crée pas d'exemption totale à la loi, mais seulement aux dispositions relatives au contrat de service à exécution successive. D'autre part, l'école n'est pas visée par cet article. Le fait que les activités de l'école étaient encadrées par une autorité publique de la Floride n'est pas pertinent, car l'exception vise les établissements d'enseignement régis par la loi québécoise.

L'article 3148 paragraphe 3 C.C.Q. s'applique en l'espèce, car la publicité, le recrutement et les prétendues fausses déclarations ont été faits par l'école au Québec, où elle avait un bureau et où les contrats ont été signés. Le PGQ a admis ces faits à l'étape de l'autorisation du recours collectif et il ne saurait maintenant en nier la véracité dans la même instance. Par ailleurs, il n'y a pas lieu pour les tribunaux québécois de décliner compétence en faveur d'un tribunal de la Floride. En effet, plusieurs critères font en sorte qu'une audience au Québec est préférable.

Quant à la requête en irrecevabilité, elle est également rejetée. Comme il a été décidé dans Dikranian c. Québec (Procureur général), (C.S., 2000-05-09), SOQUIJ AZ-00021536, J.E. 2000-1170, [2000] R.J.Q. 1583, le moyen de non-recevabilité recoupe le critère d'autorisation d'un recours collectif. Les arguments du PGQ ont été invoqués lors de l'audience sur la requête en autorisation, et la révision du jugement ayant autorisé le recours n'est pas possible. Par ailleurs, la question soulevée à l'endroit du ministère de l'Éducation n'est pas une question de droit pur mais plutôt une question mixte de droit et de fait dont l'analyse exigera une revue du comportement du Ministère et de la Direction générale de l'aide financière aux étudiants. Cet exercice ne pourra être fait que pendant le procès au fond.


Dernière modification : le 22 décembre 2004 à 15 h 27 min.