Résumé de l'affaire

Appel d'un jugement de la Cour du Québec ayant reconnu l'appelante coupable de cinq infractions à la Loi sur la protection du consommateur. Appel accueilli quant à trois chefs d'accusation.

L'appelante est une association religieuse dont le but est de promouvoir et de répandre l'enseignement de la «scientologie». Les adeptes de cette religion sont appelés à suivre des cours pour lesquels ils doivent débourser de l'argent. Cinq consommateurs ont ainsi déboursé certaines sommes mais, pour différentes raisons, ils ont demandé un remboursement. L'appelante leur a retourné leur argent après un long délai, allant jusqu'à plusieurs mois dans certains cas. Onze chefs d'accusation ont été déposés contre l'appelante, et le premier juge l'a reconnue coupable sous 3 chefs relatifs au fait d'avoir omis de rembourser un consommateur dans les 10 jours suivant la résiliation d'un contrat (art. 196 de la Loi sur la protection du consommateur), sous 1 chef relatif au fait d'avoir conclu avec un adhérent des contrats qui ne respectaient pas la forme prescrite par l'article 190 de la loi et sous 1 chef relatif au fait d'avoir omis, au moment de la conclusion de ce contrat, d'y joindre la formule de résiliation prescrite par l'annexe 8 de la loi. Le premier juge a rejeté la demande d'exemption constitutionnelle présentée par l'appelante, qui alléguait que la loi violait la liberté de religion des membres de son Église. L'appelante interjette appel du verdict de culpabilité et prétend que: 1) la loi ne s'applique pas à elle car elle ne vise pas à réglementer les pratiques religieuses; 2) la loi viole la liberté de religion; 3) ces violations ne se justifient pas en vertu de l'article 1 de la Charte canadienne des droits et libertés; 4) les verdicts de culpabilité sont erronés.

Résumé de la décision

Selon l'article 189 de la loi, cette dernière s'applique notamment aux contrats visant à procurer un enseignement, un entraînement ou une assistance aux fins de développer, de maintenir ou d'améliorer les connaissances ou les facultés intellectuelles, physiques ou morales d'une personne. Les facultés morales ne peuvent que s'appliquer à la troisième dimension de l'être humain, soit son côté spirituel. La loi vise donc tout organisme dont l'objectif est de développer les facultés morales des fidèles, dans la mesure où elle le fait par un contrat visé par la loi. Par ailleurs, du point de vue du consommateur, il peut ne pas être clair que les cours offerts par l'appelante s'inscrivent dans un contexte purement religieux, et la loi vise précisément à protéger les consommateurs et à rétablir un équilibre entre consommateurs et commerçants. Différents documents distribués par l'appelante, faisant la promotion des cours qu'elle offre, ne mentionnent aucunement les mots «Église» ou «religion» et leur lecture peut facilement induire une personne à croire que ces cours ne sont pas de nature religieuse. Il serait donc injuste de soustraire les contrats conclus du régime de la loi. Par ailleurs, la loi ne réglemente que deux aspects précis de la relation «Église-fidèle», soit le paiement des cours et la résiliation du contrat. Ces actes ne constituent pas l'essence même de la scientologie et ne touchent pas les fondements mêmes de cette croyance. Si le consommateur se méprend sur la nature des cours choisis ou sur la vocation de l'appelante, les imbroglios qui en découlent pourront être plus rapidement réglés, et ce, dans le respect de la liberté religieuse du consommateur qui ne désire pas être initié à la scientologie.

L'appelante a pour unique objectif de répandre la scientologie et, même si elle est une personne morale, elle a le droit de recourir à l'article 2 a) de la Charte canadienne des droits et libertés, qui protège la liberté de religion. Le caractère lucratif de certaines de ses activités est à cet égard non pertinent. Cela dit, la loi ne viole pas la liberté de religion de l'appelante. Le fait que la loi utilise le mot «commerçant» pour imposer des obligations à celui qui conclut différents types de contrat ne saurait avoir les effets dévastateurs que l'appelante appréhende si elle est tenue de reproduire dans ses contrats certaines mentions obligatoires, dont le mot «commerçant». De toute façon, ce mot crée un problème plus théorique que pratique, car ce sont les obligations imposées par la loi qui sont susceptibles de limiter la liberté de l'appelante et non le terme utilisé pour désigner ceux qui y sont assujettis. De toute façon, les exigences de la loi à cet égard demeurent minimales. Le court délai de remboursement ne saurait non plus entraver la liberté de religion de l'appelante; elle peut très bien faire enquête après le remboursement, plutôt qu'avant, afin de s'enquérir des motifs de ce choix du consommateur. À cet égard, le fait que, selon l'appelante, le salut du fidèle soit en jeu s'il abandonne la scientologie ne saurait être lié à la date du remboursement; les enquêtes et les moyens de persuasion pour le faire revenir sur sa décision peuvent être poursuivis après le remboursement, sans exercer de pression indue sur la liberté du consommateur dont l'argent est retenu par l'appelante. Enfin, même si l'on devait reconnaître que la liberté de religion de l'appelante est entravée par la loi, on devrait conclure que ces violations sont justifiées par l'article 1 de la charte canadienne compte tenu de l'enjeu en cause, soit la protection des consommateurs, et des mesures choisies par le législateur, lesquelles sont rationnelles et non disproportionnées par rapport à l'objectif visé.

Le premier verdict relatif à une infraction à l'article 196 de la loi est maintenu. Le fait que le consommateur ait d'abord demandé un remboursement, puis se soit ravisé en écrivant qu'il ne demandait plus de remboursement et qu'il allait plutôt acheter des biens ou de l'équipement de l'appelante pour un montant équivalent, avant de se raviser de nouveau et de demander un remboursement quelques mois plus tard, ne fait pas en sorte qu'il y a eu extinction du contrat à exécution successive lorsqu'il a annulé sa première demande de remboursement. Il n'y a pas eu novation. Selon l'article 1661 du Code civil du Québec, la novation ne se présume pas et l'intention de l'opérer doit être évidente. Cette norme de précision n'est pas atteinte par les propos du consommateur. De plus, la conduite ultérieure des parties démontre que la possibilité d'acquérir des biens ne s'est jamais concrétisée. L'appelante ayant admis avoir reçu l'avis que lui a ensuite envoyé l'Office de la protection du consommateur, la question de la preuve de l'envoi ou de la réception de l'avis du consommateur n'est pas déterminante. Il est par ailleurs établi qu'elle a remboursé le consommateur plus de 10 jours après la réception de l'avis de l'Office. Enfin, il ne saurait être question ici d'erreur provoquée par l'administration ou une personne en autorité (officially induced error) parce que la lettre de l'Office ne fournit aucun renseignement erroné. Cette lettre met peut-être l'accent sur certaines obligations générales du commerçant et sur le rôle de médiateur de l'Office, mais elle ne contient aucune erreur. La déclaration de culpabilité quant au premier chef d'accusation fondé sur une infraction à l'article 196 de la loi est donc bien fondée. Elle l'est également en ce qui concerne le deuxième chef relatif à la même infraction. Elle est cependant annulée quant au troisième chef relatif à cette infraction, car la preuve documentaire ne permet pas de savoir à quelle date la consommatrice visée a fait parvenir à l'appelante sa demande de remboursement. Tout ce qui figure au dossier, c'est la lettre de l'Office demandant à l'appelante de rembourser la consommatrice. Or, le remboursement a eu lieu dans les huit jours suivant cette lettre de l'Office. En ce qui concerne l'infraction à l'article 190 de la loi, la déclaration de culpabilité est également annulée. En effet, la nature successive du contrat est un élément essentiel de cette infraction. Or, ce qui s'est ici produit, c'est que la consommatrice a suivi un premier cours, qu'elle a payé, et a ensuite versé un acompte pour un deuxième cours, sans qu'on lui remette un contrat qui respecte la forme prévue à l'article 190 de la loi. Rien dans la preuve n'indique en quoi ce deuxième cours était un contrat à exécution successive. Enfin, la déclaration de culpabilité relative à l'infraction d'avoir omis de joindre à ce contrat la formule de résiliation prescrite par l'annexe 8 de la loi est également annulée vu que la Cour conclut que la preuve n'établit pas le caractère d'exécution successive de ce contrat.

 


Dernière modification : le 17 juillet 1997 à 12 h 08 min.