Résumé de l'affaire

Appel d'un jugement de la Cour supérieure ayant accueilli une requête en remise d'un bien en vertu des articles 107 à 109 de la Loi sur la protection du consommateur. Rejeté.

L'intimé a signé avec l'appelante un contrat de location d'un véhicule automobile d'occasion. Quelques semaines plus tard, ayant perdu son emploi, il a remis le véhicule à un concessionnaire, puisqu'il ne pouvait plus en payer la location. L'appelante lui a alors adressé un avis de déchéance du terme et lui a réclamé le solde dû aux termes du contrat. L'intimé a répliqué par une requête en remise d'un bien en vertu des articles 107 à 109 de la Loi sur la protection du consommateur. En Cour supérieure, l'appelante a soutenu que les circonstances ne justifiaient pas une ordonnance permettant la remise du bien. Elle a allégué que l'intimé possédait des biens dont la vente permettrait de récupérer des sommes suffisantes pour payer la somme réclamée et que l'intimé ne lui avait pas révélé toutes ses dettes au moment de la conclusion du contrat. Le premier juge a conclu que les articles 107 à 109 de la loi s'appliquaient, jugeant que la situation de l'intimé était due à des facteurs extérieurs et que le risque de perte au moment de la revente du véhicule était faible. L'appelante prétend que le jugement est contraire à l'interprétation de la loi et à l'orientation de la jurisprudence.

Résumé de la décision

M. le juge LeBel: D'une part, l'article 109 de la Loi sur la protection du consommateur, qui énonce des critères souples et non exhaustifs, ne doit pas être interprété de façon à compromettre indûment le crédit. En effet, la loi vise surtout à protéger le consommateur qui, à la suite d'événements indépendants de sa volonté, se trouve privé du revenu sur lequel il comptait au moment de contracter son obligation. Elle ne justifie donc pas le recours à la requête en remise d'un bien chaque fois qu'une difficulté temporaire et maîtrisable survient, ni quand une difficulté résulte d'une décision du débiteur. Cependant, une situation de mise à pied imprévisible, comme en l'espèce, interrompant le revenu régulier du débiteur, constitue généralement un facteur externe. D'autre part, l'interprétation voulant qu'on tienne compte de l'ensemble des biens de l'intimé et du solde de leur liquidation pourrait exiger une liquidation totale des biens avant de pouvoir invoquer le recours prévu à l'article 109. Une telle interprétation de la notion de «capacité de payer» priverait les articles 107 à 109 de leur utilité. Dans le présent dossier, les possibilités aléatoires de réalisation d'un bien immobilier lourdement hypothéqué ne paraissent pas justifier le rejet de la requête. Par ailleurs, le risque de perte au moment de la revente est limité. Il s'agit donc, comme dans tous les cas où le recours prévu à l'article 109 a été exercé, d'une appréciation concrète de la situation du débiteur et d'une analyse de la conséquence de la remise du bien pour le créancier. Le jugement de première instance paraît donc bien fondé.


Dernière modification : le 21 juin 1993 à 17 h 39 min.