En bref

En tant qu'entrepreneur spécialisé en transport, la demanderesse savait que de transporter l'embarcation du défendeur sans pellicule de protection, en le plaçant à l'envers sur une remorque, risquait grandement d'entraîner que le pare-brise ou d'autres pièces soient arrachés et emportés par le vent; elle aurait dû refuser d'effectuer le transport.

Même si le connaissement du transporteur était opposable à son client,,, ce sur quoi le tribunal ne se prononce pas —, la limitation de responsabilité qui y est énoncée pour les dommages causés au pare-brise d'un bateau transporté au moyen d'une remorque n'est pas applicable, et ce, conformément aux dispositions de la Loi sur la protection du consommateur.

Résumé de l'affaire

Requête en réclamation d'une somme d'argent (9 674 $). Accueillie. Demande reconventionnelle en réclamation de dommages-intérêts (12 172 $). Accueillie en partie (8 801 $).

Le défendeur a retenu les services de la demanderesse pour transporter une embarcation mesurant 34 pieds et pesant 15 000 livres de la Colombie-Britannique jusqu'au Québec, pour une somme de 9 000 $. Le chauffeur du camion-remorque l'a informé que le bateau devait être enveloppé pour empêcher qu'il ne soit endommagé lors du transport, qui aurait lieu durant l'hiver. L'emballage était également nécessaire en raison de la vitesse du camion, des vents contraires auxquels l'embarcation serait exposée et du positionnement en sens inverse de celle-ci sur la remorque, qui risquait d'endommager le pare-brise. Le défendeur trouvait le coût d'emballage trop élevé (environ 1 200 $) et il a refusé que son yacht soit enveloppé. Le transport a quand même eu lieu et a duré cinq jours. Au cours du trajet, une partie du pare-brise s'est détachée. La demanderesse réclame 9 674 $ au défendeur pour le transport de l'embarcation, mais ce dernier, en demande reconventionnelle, veut obtenir un dédommagement de 12 172 $ pour les dommages causés durant le transport. La demanderesse prétend qu'il n'a pas droit à des dommages-intérêts compensatoires étant donné qu'il n'a pas transmis l'avis prévu à l'article 2050 du Code civil du Québec (C.C.Q.) et qu'il aurait accepté les risques inhérents au transport sans pellicule de protection. Elle soutient aussi que les termes du connaissement excluent les dommages causés au pare-brise.

Résumé de la décision

Le défendeur a démontré avoir transmis à la demanderesse un courriel accompagné d'une estimation des dommages, ce qui est conforme aux exigences de l'article 2050 C.C.Q. L'obligation du transporteur est une obligation de résultat. Il ne peut s'en libérer qu'en prouvant l'un des trois cas d'exonération prévus à l'article 2049 alinéa 2 C.C.Q. En l'espèce, la demanderesse n'en a prouvé aucun. Étant donné les coûts en cause, il est plus que douteux que le défendeur ait accepté le risque que le pare-brise de son bateau soit arraché en raison d'un déplacement à haute vitesse. De plus, l'acceptation des risques ne constitue pas en soi une renonciation à tout recours. En tant qu'entrepreneur spécialisé en transport, c'est sur la demanderesse que reposait le choix des moyens pour l'exécution du contrat. Elle devait agir dans l'intérêt du défendeur. Elle avait également l'obligation implicite d'agir avec prudence pour ne pas compromettre la sécurité d'autrui. Ces obligations sont d'ordre public. La demanderesse savait que de transporter l'embarcation du défendeur sans pellicule de protection, et à l'envers, risquait grandement d'entraîner que le pare-brise ou d'autres pièces soient arrachés et emportés par le vent, avec toutes les conséquences potentiellement tragiques que cela pouvait causer. Connaissant ce risque, elle aurait dû refuser d'effectuer le transport. Enfin, la soumission de la demanderesse, acceptée par le défendeur, ne contenait aucune renonciation ni limitation de responsabilité. Si tant est que le connaissement soit opposable au défendeur,,, ce sur quoi le tribunal ne se prononce pas —, la limitation de responsabilité qui y est énoncée n'est pas applicable, et ce, conformément aux dispositions de la Loi sur la protection du consommateur.


Dernière modification : le 27 mars 2015 à 23 h 17 min.