En bref

La preuve d'une disproportion suffisamment importante entre la peine stipulée au contrat et le dommage subi par la partie qui l'a stipulée n'ayant pas été faite, le juge de première instance n'a pas erré en rejetant le recours collectif intenté contre une entreprise de location de films pour ses frais de retard.

Résumé de l'affaire

Appel d'un jugement de la Cour supérieure ayant rejeté un recours collectif visant à faire déclarer abusifs les frais de retard imposés par l'intimée et à obtenir des dommages-intérêts. Rejeté.

L'intimée est une entreprise de location de films. Plutôt que d'imputer des frais de retard dès 18 h le dernier jour de location, elle ne le fait qu'à compter de minuit. Dans le cas d'une «location 2 soirées», un client qui a rapporté un film après cette heure s'est vu imposer des frais additionnels équivalant au coût payé pour la location et, 24 heures après le premier retard, les mêmes frais lui ont été imputés une seconde fois. Dans le cas des locations pour trois, cinq ou sept soirées, les frais de retard équivalaient au prix de la location divisé par le nombre de nuits comprises dans la durée maximale de location, et la somme ainsi obtenue a été imputée de nouveau pour les périodes additionnelles de location. L'appelant a réclamé au nom du groupe l'annulation et le remboursement des frais payés, entre 1998 et 2002, lors du retour tardif de films loués chez l'intimée, estimant que cette tarification est abusive. Le juge de première instance a qualifié les frais de retard d'«obligation alternative», estimant que le client avait le choix entre 2 solutions en vertu du bail initial: se libérer de ses obligations en remettant l'article au locateur dans le délai prévu ou le conserver après minuit la deuxième soirée et prolonger ainsi le bail de 24 heures à un prix déterminé d'avance. Qualifiant les frais de contrepartie pour la jouissance du bien pendant 24 heures additionnelles, il a exclu la notion de clause pénale et le critère de l'écart entre pénalité et dommage énoncé aux articles 1622 et 1623 du Code civil du Québec (C.C.Q.). Il a de plus comparé les frais de retard demandés par l'intimée pour 24 heures de location additionnelles à la valeur marchande usuelle de la location d'une durée égale et a conclu que cette valeur pour un film récent et pour une location de 24 heures se situait autour de 5 $. Il a également procédé à une comparaison entre la période additionnelle de location et la période initiale offerte au même prix, concluant que l'augmentation du loyer horaire entre ces périodes était insuffisante pour justifier une intervention judiciaire. L'appelant soutient que le juge a erronément qualifié le rapport contractuel entre les parties. Il conteste de plus la qualification des frais de retard de loyer additionnel. Il soutient également que l'équité justifiait que son recours, s'il devait être rejeté, le soit sans frais.

Résumé de la décision

Que les frais de retard soient perçus comme un loyer additionnel ou comme une pénalité, l'appelant n'a pas établi l'existence de conditions qui autoriseraient une intervention afin d'annuler une clause abusive ou sa réduction. Par ailleurs, même si les frais de retard constituaient une pénalité, il ne s'est pas déchargé de son fardeau de prouver la disproportion entre cette dernière et les dommages prévisibles. Sa prétention selon laquelle aucun gain ne peut être réalisé par l'intimée dans la journée ou la soirée du samedi lorsqu'une cassette est louée le vendredi n'est pas retenue puisque la preuve démontre que la majorité des films en circulation reviennent à leur point d'origine durant la soirée du samedi, à des heures où elles trouvent habituellement preneur. L'appelant n'a pas réussi à démontrer qu'il existait un écart entre la somme réclamée et le manque à gagner de l'intimée en raison du retard. Il ne pouvait se contenter de prétendre que le client pouvait, hypothétiquement, remettre le film à 23 h 59 pour postuler qu'en réalité la totalité ou une quantité appréciable des films loués reviennent en succursale à la dernière minute. Comme la preuve d'une disproportion suffisamment importante entre la pénalité stipulée au contrat et le dommage subi par la partie qui l'a prévue n'a pas été faite, l'appel doit être rejeté, et l'examen du caractère abusif et réductible des frais de retard selon la norme établie par l'article 1623 C.C.Q. devient superflu. En ce qui a trait à l'attribution des dépens, il ressort des diverses mesures législatives destinées à faciliter l'exercice d'un recours collectif que le législateur n'a pas aboli en cette matière le principe général énoncé par l'article 477 alinéa 1 du Code de procédure civile. Rien dans les motifs du jugement de première instance ne permet de déceler une quelconque erreur de droit ou une cause de reproche quant à la façon dont le juge a exercé son pouvoir discrétionnaire. Bien au contraire, il a réduit la condamnation en tenant explicitement compte du caractère sérieux de la réclamation, qui, après examen au procès, s'est révélée sans fondement.


Dernière modification : le 8 mars 2007 à 14 h 36 min.