En bref

Le juge de première instance n'a pas commis d'erreur en concluant que la loterie Extra n'enfreignait pas le Règlement sur les concours de pronostics et les jeux sur numéros en ce qui a trait à la valeur annuelle des lots offerts et au mode de détermination des numéros gagnants.

C'est à bon droit que le juge de première instance a retenu que Loto-Québec n'avait pas omis de divulguer des faits importants qui auraient pu influer sur la décision des consommateurs d'acheter un billet de la loterie Extra et qu'elle ne les avait pas trompés, notamment en ce qui concerne le caractère aléatoire de cette loterie ou les chances de gagner.

Résumé de l'affaire

Appel d'un jugement de la Cour supérieure ayant rejeté une requête en réclamation de dommages-intérêts et de dommages punitifs (22 M$). Rejeté.

Les appelants réclament quelque 22 millions de dollars à la Société des loteries du Québec (Loto-Québec) au motif que celle-ci les aurait induits en erreur et les aurait privés de leurs chances de gagner le gros lot lors des tirages de l'Extra. Au fil des ans, ils ont régulièrement acheté des billets de loterie avec participation à l'Extra. Cette loterie ne peut être jouée seule et doit absolument être jumelée à un autre produit. Chaque participation coûte un dollar et comprend sept chiffres, de 0 à 9, générés par l'ordinateur de Loto-Québec, décomposables dans les deux sens. Au total, 10 millions de combinaisons sont possibles. Les chances de gagner varient de 1 sur 10 millions pour le gros lot de 1 million de dollars (numéro complet de 7 chiffres) à 1 chance sur 11 pour le lot de 2 $ (avec seulement le dernier chiffre). Au cours de l'été 2010, les demandeurs ont constaté que le premier et le dernier chiffre des 10 combinaisons n'étaient jamais les mêmes. Ils ont alors compris qu'ils étaient assurés de gagner un lot d'au moins 2 $ mais qu'ils ne pourraient jamais gagner plus de deux lots par tirage. Ils reprochent à Loto-Québec d'avoir contrevenu à l'article 206 (1) d) du Code criminel (C.Cr.) en ayant recours à un paramètre de non-répétition pour choisir les sélections du participant qui achète plus d'une sélection, déterminant ainsi les «gagnants» comme l'interdit cet article. Ils soutiennent également qu'elle s'est adonnée à des pratiques interdites par la Loi sur la protection du consommateur, qu'elle a fait de fausses représentations, qu'elle a passé sous silence des faits importants et qu'elle a déformé le sens d'une information, notamment quant au taux de retour, au paramètre de non-répétition, aux chances de gagner, à l'attribution des sélections et au fonctionnement du jeu. Enfin, ils sont d'avis que 

Loto-Québec contrevient aux articles 10 et 14 du Règlement sur les concours et pronostics et les jeux sur numéros. Le juge de première instance a rejeté toutes leurs prétentions, d'où le présent appel.

Résumé de la décision

M. le juge Chamberland: Le recours des appelants relève du droit civil et non du droit criminel. Le contexte ne se prête donc pas à une étude approfondie des articles 206 et 207 C.Cr. Toutefois, la genèse des articles 206 (1) d) et 207 (1) a) C.Cr. confirme que le premier vise l'établissement et la conduite d'une loterie, ce que le second permet à une province de faire. En ce qui concerne l'argument selon lequel Loto-Québec tromperait le public en ne précisant pas dans sa publicité que le taux affiché est un taux de retour théorique (calculé à partir de l'hypothèse que les 10 millions de sélections possibles ont toutes été vendues) plutôt que réel (calculé en fonction des ventes et des lots attribués au terme des tirages), c'est à bon droit que le juge l'a rejeté. La différence entre ces deux taux est si négligeable que l'on ne peut dire que l'information publiée n'est pas conforme à la réalité. Il a également eu raison de conclure que l'existence du paramètre de non-répétition ne constitue pas un fait important de nature à influer sur la décision du consommateur d'acheter une ou plusieurs sélections de l'Extra. Il n'a aucun effet sur les chances de gagner et il a été ajouté afin de plaire à la clientèle, qui, majoritairement, préfère avoir des sélections comportant des chiffres qui ne se répètent pas et gagner plus souvent de petits montants que de ne pas gagner du tout. Loto-Québec n'a pas non plus contrevenu à la Loi sur la protection du consommateur en ne divulguant pas aux participants que, en achetant 10 sélections, ils étaient assurés de gagner au moins 2 $ ni en permettant qu'une sélection soit vendue plus d'une fois pour un tirage donné. Loto-Québec précise que le gros lot est «partageable» et elle ne cache pas le fait que les sélections peuvent se répéter, même si le risque que cela se produise est extrêmement faible. D'ailleurs, cette possibilité n'a aucun effet sur le taux de retour du jeu. De plus, le juge a bien appliqué les critères établis dans l'arrêt Richard c. Time Inc. (C.S. Can., 2012-02-28), 2012 CSC 8, SOQUIJ AZ-50834275, 2012EXP-836, J.E. 2012-469, [2012] 1 R.C.S. 265, en concluant que, pour un consommateur crédule et inexpérimenté, le fait qu'un maximum de 2 lots puisse être gagné lorsqu'il achète 10 sélections d'Extra sur un même billet n'est pas important. Il s'agit d'une information sans conséquence sur sa décision d'achat puisque le nombre moyen de prix gagnés lorsque le participant achète 10 sélections est exactement le même, que ces sélections soient générées par un algorithme comprenant le paramètre de non-répétition ou non. La documentation que Loto-Québec remet aux participants ne déforme pas non plus le sens d'une information. Enfin, Loto-Québec n'a pas contrevenu aux articles 10 et 14 du règlement. Le taux de retour annuel se situe bien à l'intérieur de la fourchette prévue et rien n'oblige Loto-Québec à générer les sélections achetées par les participants de façon absolument aléatoire.


Dernière modification : le 14 mai 2015 à 0 h 08 min.