en bref

La loterie Extra n'enfreint pas le Règlement sur les concours de pronostics et les jeux sur numéros en ce qui a trait à la valeur annuelle des lots offerts et au mode de détermination des numéros gagnants; d'ailleurs, l'article 14 du règlement ne requiert pas que les combinaisons vendues aux clients soient générées aléatoirement et sans restriction.

L'impression générale qui se dégage de l'argumentation de Loto-Québec concernant la loterie Extra est conforme à la réalité; celle-ci n'a pas omis de divulguer des faits importants qui pourraient influer sur la décision des consommateurs de contracter, notamment en ce qui concerne le caractère aléatoire de cette loterie ou les chances de gagner.

résumé de l'affaire

Requête en réclamation de dommages-intérêts et de dommages exemplaires (22 M$). Rejetée.

Les demandeurs réclament chacun plus de 10 M$ à la Société des loteries du Québec (Loto-Québec) au motif que celle-ci les a induits en erreur et privés de leurs chances de gagner le gros lot lors des tirages de l'Extra. Au fil des ans, ils ont régulièrement acheté des billets de loterie avec participation à l'Extra. Cette loterie ne peut être jouée seule et doit absolument être jumelée à un autre produit. Chaque participation coûte un dollar et comporte sept chiffres, de 0 à 9, générés par l'ordinateur de Loto-Québec, décomposables dans les deux sens. Au total, 10 millions de combinaisons sont possibles. Les chances de gagner varient de 1 sur 10 millions pour le gros lot de 1 million de dollars (numéro complet de 7 chiffres) à 1 chance sur 11 pour le lot de 2 $ (avec seulement le dernier chiffre). Selon Loto-Québec, 92,5 % des consommateurs achètent seulement une combinaison de l'Extra, tandis que 1,6 % s'en procurent le maximum, soit 10 par billet. Pour le tirage du 11 août 2010, les demandeurs ont acheté un billet de la loterie 6/49 avec 10 combinaisons de l'Extra. Or, ils ont constaté que le premier et le dernier chiffre des 10 combinaisons n'étaient jamais les mêmes. Ils ont alors conclu que le système utilisé par Loto-Québec n'était pas aléatoire et qu'ils ne pourraient jamais gagner plus de 2 prix avec 10 combinaisons. Ainsi, en achetant le maximum de combinaisons de l'Extra, ils seraient assurés de gagner 2 $, mais Loto-Québec leur vendrait alors huit sélections non gagnantes. Ils prétendent que Loto-Québec a enfreint l'article 10 du Règlement sur les concours de pronostics et les jeux sur numéros, quant à la valeur annuelle des lots offerts, ainsi que l'article 14, relatif au mode de détermination des numéros gagnants. Les demandeurs reprochent également à Loto-Québec de contrevenir à l'article 206 (1) d) du Code criminel (C.Cr.) ainsi qu'à la Loi sur la protection du consommateur.

résumé de la décision

Loto-Québec ne contrevient pas à l'article 10 du règlement, qui énonce que la valeur annuelle des lots offerts ne peut être inférieure à 35 % ni supérieure à 75 % du montant total des enjeux pour chaque système de loterie. En effet, pour l'Extra, depuis 2006, la valeur annuelle des lots offerts est en moyenne de 45,33 % du montant total des enjeux. Par ailleurs, Loto-Québec a le pouvoir discrétionnaire d'administrer les loteries avec les paramètres qu'elle choisit. L'article 14 du règlement ne requiert pas que les combinaisons vendues aux clients soient générées aléatoirement et sans restriction. Il édicte plutôt que les numéros gagnants doivent être établis au moyen d'un ou de plusieurs bouliers déterminant les numéros au hasard ou d'un ordinateur pouvant générer des numéros aléatoires. En l'espèce, le tirage de l'Extra respecte cette obligation: il s'effectue à l'aide de 7 bouliers contenant chacun 10 boules numérotées de 0 à 9. Une boule est tirée de chacun des bouliers pour former la sélection gagnante. Quant à l'article 206 C.Cr., il doit être lu en conjonction avec l'article 207 (1) a), qui créé une dérogation en faveur du gouvernement d'une province, lequel peut mettre sur pied et exploiter une loterie. Loto-Québec n'a pas non plus enfreint les dispositions de la Loi sur la protection du consommateur en matière de pratiques de commerce. À la lumière de la grille d'analyse proposée par la Cour suprême dans Richard c. Time Inc. (C.S. Can., 2012-02-28), 2012 CSC 8, SOQUIJ AZ-50834275, 2012EXP-836, J.E. 2012-469, [2012] 1 R.C.S. 265, elle n'a pas fait de représentation fausse ou trompeuse. Le fonctionnement de l'Extra ainsi que la structure des lots sont expliqués dans le document remis aux consommateurs par les détaillants à partir de leur terminal. Le billet contient les renseignements prévus à l'article 4 du règlement. Le site Internet de Loto-Québec explique aussi les chances de gagner, et un taux de remise de 45,55 % est rendu public, ce qui est raisonnable, compte tenu du pourcentage réel de 45,33 %. L'impression générale qui se dégage des déclarations de Loto-Québec est conforme à la réalité. Celle-ci n'a pas omis de divulguer aux consommateurs un fait important qui pourrait influer sur leur décision de contracter. Le consommateur crédule et inexpérimenté ne sait pas qu'il est assuré de gagner 2 $ lorsqu'il achète 10 combinaisons de l'Extra ni qu'il ne peut alors gagner plus de 2 prix. Cependant, en examinant les données statistiques et mathématiques en cause, taire ces informations n'a aucune conséquence sur la décision du consommateur. Le fait qu'une sélection générée par Loto-Québec évite les répétitions pour le premier et le dernier chiffre n'a aucun effet sur les chances de gagner un prix. Loto-Québec a choisi ces paramètres en se fondant sur les préférences de ses clients, qui ont l'impression d'avoir plus de chances de gagner en ayant des numéros différents. De plus, elle n'a fait aucune déclaration quant au nombre de prix qui peuvent être gagnés lorsqu'un consommateur achète plus d'une combinaison de l'Extra. Avec ou sans les paramètres utilisés pour générer les combinaisons vendues aux clients, lorsque ceux-ci achètent le maximum de combinaisons possibles, le nombre moyen de lots gagnés par billet est le même, soit 1,09. Enfin, on ne peut reprocher à Loto-Québec de vendre des sélections en double puisqu'elle est autorisée à le faire. D'ailleurs, elle divulgue clairement ce fait lorsqu'elle annonce que le grand prix de un million de dollars est partageable. Par conséquent, les demandeurs n'ayant pas démontré qu'ils avaient été victimes de déclarations fausses ou trompeuses de la part de Loto-Québec ni que la loterie Extra n'est pas suffisamment aléatoire, leur recours doit être rejeté.


Dernière modification : le 31 octobre 2014 à 14 h 40 min.