La Dépêche

ACTION COLLECTIVE (RECOURS COLLECTIF) :  L'action collective intentée au nom des consommateurs résidant au Québec qui ont souscrit à la «Télé FIBE» ou à «Internet FIBE» de Bell Canada entre le 1er mai 2012 et le 30 mars 2017 et qui n'étaient pas branchés à un réseau 100 % fibres optiques, ou qui n'étaient pas branchés à un réseau composé entièrement de fibres optiques, est autorisée.

PROTECTION DU CONSOMMATEUR : Dans le contexte d'une demande en autorisation d'exercer une action collective, le tribunal est d'avis qu'il y a apparence de droit quant à la violation de l'article 41 de la Loi sur la protection du consommateur pour les services de télévision et d'Internet FIBE, car les publicités et déclarations de Bell Canada sous-entendent un service FIBE avec des fibres optiques procurant qualité et vitesse supérieures, alors que ce n'est pas le cas pour le demandeur ni pour tous les membres du groupe, selon les époques.

 

Résumé

Demande pour autorisation d'exercer une action collective. Accueillie en partie.

 

Le demandeur désire être autorisé à exercer une action collective au nom de tous les consommateurs au sens de la Loi sur la protection du consommateur qui ont souscrit à l'un des services suivants de Bell Canada: 1) Télé Fibe; 2) Internet Fibe; ou 3) Téléphonie Fibe (les services FIBE) depuis le 1er février 2010 et qui n'étaient pas branchés à un réseau 100 % fibres optiques ou qui n'étaient pas branchés à un réseau composé entièrement de fibres optiques. Le demandeur reproche à l'intimée d'installer chez les consommateurs des services d'Internet, de télévision et de téléphonie FIBE qui ne sont pas entièrement composés de fibres optiques, le tout contrairement aux publicités et aux représentations qui décrivent les services FIBE comme étant basés à 100 % sur de la fibre optique, ce qui, par conséquent, assure une vitesse et une qualité accrues. Selon le demandeur, les services qu'installe l'intimée fonctionnent plutôt grâce à un réseau hybride composé de fils de cuivre et de fibres optiques, d'où l'absence de vitesse et de qualité accrues. Invoquant la loi précitée, il réclame le remboursement d'une partie du prix mensuel des services FIBE, des dommages compensatoires pour troubles et inconvénients ainsi que des dommages punitifs, vu la conduite intentionnelle et malicieuse alléguée de l'intimée. Son action contient également une demande de nature injonctive. L'intimée soutient que deux des quatre critères de l'autorisation d'une action collective ne sont pas remplis, soit l'apparence de droit et la représentation adéquate (art. 575 paragr. 2 et 4 du Code de procédure civile (C.P.C.)).

 

Décision

L'apparence de droit doit être analysée à la lumière du cas personnel du demandeur et non pas de celui de tout le groupe. Or, il demande l'autorisation d'exercer contre l'intimée, le «commerçant» au sens de la Loi sur la protection du consommateur, une action collective fondée sur la violation d'une série d'obligations législatives prévues aux titres I (art. 8 à 214.1) et II (art. 215 à 253) de la loi, et dont les sanctions sont prévues à l'article 272. L'article 41 de la loi constitue une garantie de conformité selon laquelle un bien ou un service fourni par le commerçant doit être conforme à une déclaration ou à un message publicitaire fait à son sujet. Ces déclarations et ces messages publicitaires engagent le commerçant comme s'ils faisaient partie du contrat. En l'espèce, le demandeur a souscrit auprès de l'intimée les services d'Internet FIBE en décembre 2011 et les services de télévision FIBE en octobre 2012. Il y a apparence de droit quant à la violation de l'article 41 de la Loi sur la protection du consommateur pour les services offerts au demandeur. En effet, les publicités et les déclarations de l'intimée sous-entendent un service FIBE avec des fibres optiques procurant qualité et vitesse supérieures, alors que ce n'est pas le cas pour le demandeur ni pour tous les membres du groupe, en fonction des époques. Les services FIBE ne sont pas nécessairement synonymes de fibres optiques au complet, ce qui est contraire aux messages et aux déclarations émis par l'intimée. Le demandeur a donc établi une cause d'action défendable. Cela lui permet, ainsi qu'aux consommateurs, d'obtenir l'une des mesures de réparation contractuelles prévues à l'article 272 de la loi, sans exigence additionnelle. D'autre part, il y a apparence de droit selon laquelle les pratiques de l'intimée sur la commercialisation, la distribution et la vente des services de télévision et d'Internet FIBE sont fautives, mensongères et trompeuses au sens du titre II de la loi. Au surplus, il y a apparence de droit quant à la présomption absolue de préjudice puisque l'on est en présence de: 1) la violation par l'intimée de l'une des obligations imposées par le titre II de la loi; 2) la prise de connaissance par le demandeur et les membres du groupe de la représentation constituant une pratique interdite; 3) la formation avec l'intimée d'un contrat de consommation pour les services FIBE subséquente à cette prise de connaissance; et 4) une proximité suffisante entre le contenu de la représentation et les services visés par le contrat. Toutefois, il n'y a aucune apparence de droit quant à l'allégation selon laquelle ces services sont «injustes» puisque le demandeur n'a allégué ni plaidé aucune disposition législative supportant ce recours. De plus, il a seulement souscrit les services d'Internet et de télévision FIBE, et non les services de téléphonie FIBE. Dans ces circonstances, le tribunal n'autorisera pas que l'action collective porte sur ce service. Quant au critère énoncé à l'article 575 paragraphe 1 C.P.C., les questions proposées par le demandeur sont identiques, similaires ou connexes. Elles visent tous les membres du groupe visé et sont toutes d'une grande importance pour la résolution du litige. Par ailleurs, les allégations du demandeur sont suffisantes pour respecter le critère de la représentation (art. 575 paragr. 4 C.P.C.). En ce qui concerne la composition du groupe, la demande d'autorisation fait état de plusieurs dizaines de milliers de membres partout au Québec, ce qui satisfait au critère compris au paragraphe 3 de l'article 575 C.P.C. Par contre, la définition du groupe doit être objective, être limitée dans le temps et dans l'espace, et correspondre à la preuve contenue au dossier au stade de l'autorisation. Pour ce qui est de la portée géographique, le tribunal estime que le groupe doit être limité aux résidents du Québec, en vertu de la compétence de la Cour supérieure, aux termes des articles 3148 et 3149 du Code civil du Québec. Quant aux paramètres temporels, la date d'ouverture du groupe est fixée au 1er mai 2012, soit trois ans avant le dépôt de la demande d'autorisation. Cela correspond à la prescription de trois ans applicable à tout recours en vertu de la Loi sur la protection du consommateur. La définition du groupe doit également avoir une date de fermeture, le groupe ne pouvant rester «ouvert indéfiniment» et ne pouvant généralement prendre fin à une date postérieure au jugement qui le définit. Ainsi, il y a lieu de fixer la date du présent jugement comme date butoir pour la description du groupe. Par conséquent, le groupe est maintenant défini comme suit: «Tous les consommateurs au sens de la Loi sur la protection du consommateur résidant au Québec qui ont souscrit à la "Télé FIBE" et/ou à "Internet FIBE" de Bell Canada entre le 1er mai 2012 et le 30 mars 2017 et qui n'étaient pas branchés à un réseau 100 % de fibres optiques, ou qui n'étaient pas branchés à un réseau composé entièrement de fibres optiques.»


Dernière modification : le 23 juillet 2022 à 19 h 27 min.